Chers Amis du Potager,
Le Tonneau. Un titre énigmatique, et assez peu glamour. Pourtant c’est avec conviction qu’Arnaud, mon gentil libraire pourtant spécialiste du polar déjanté, m’a chaudement recommandé ce grand classique du roman policier sérieux et de bonne facture. Comme chez moi, recommandé signifie adopté, j’ai donc intégré le Tonneau à ma PAL. Où il a végété près d’un an. Autant dire que cela partait mal. Et pourtant…
Printemps 1912, sur les Docks Sainte Katherine, à Londres, la chute d’un tonneau lors de son transbordement va entraîner de lourdes conséquences. Parce que ce tonneau est d’une conception toute particulière (plus lourd, plus épais que les tonneaux à vin, car destiné à transporter des œuvres d’art), parce qu’une brèche dans l’une de ses douves laisse échapper, au milieu de la sciure, des souverains, et parce que les employés intrigués aperçoivent une main à l’intérieur, dont ils ont la conviction qu’elle appartient à un cadavre.
Ajouter à cela un mystérieux homme qui parvient à subtiliser le tonneau, grâce à un stratagème élaboré, et vous avez le début d’une très bonne intrigue : où a bien pu disparaître le tonneau ? Y avait-il réellement un cadavre à l’intérieur, ou la main aperçue peut-elle être celle d’une statue ? Si cadavre il y a, comme l’inspecteur Burnley en a la conviction, qui est la victime ? Qui a bien pu la tuer ? Et pourquoi choisir de l’expédier dans un tonneau ?
A ce propos, je tiens à lancer un avertissement formel : si vous avez l’intention de vous régaler avec ce très grand roman, resté inédit en France pendant de longues années, je vous supplie de ne pas lire la 4e de couverture ! Elle dévoile des éléments accessibles au lecteur uniquement vers la moitié du livre (sur 500 pages, vous avouerez que tout savoir tout de suite, c’est moche).
Si mon résumé ne vous a pas convaincus, sachez que l’auteur, Freeman Wills Crofts, Irlandais bon teint, était membre du Detective Club, où il rencontrait, entre autre Agatha Christie et Dorothy L. Sayers, est considéré comme un membre éminent de l’âge d’or de la fiction à détective (traduction foireuse by myself du Golden Age of Detective Fiction).
C’est donc du classique whodunit, certes, dans sa progression narrative (élément perturbateur de base, ici le tonneau, enquête minutieuse, résolution), comme dans ses méthodes (recueil des indices loupe à la main, interrogatoires, contre-interrogatoires, analyse des emplois du temps,…), le tout mené par un inspecteur chevronné et respecté (en l’espèce l’inspecteur Burnley).
Mais le classicisme ne doit pas faire oublier que nous avons là affaire à un chef d’œuvre de la littérature policière britannique.
J’ai déjà évoqué les 500 pages de ce roman. Rassurez-vous, elles glissent toutes seules, tant le style est agréable, alternant description soignée et dialogues bien rythmés. On y sent d’ailleurs un certain engouement pour les nouvelles technologies (de l’époque) : téléphone, automobile, train. Le train tient d’ailleurs une place prépondérante dans cette histoire, ce qui n’a pas été sans rappeler Tokyo Express, publié en 1958 par Seichō Matsumoto. Et certaines scènes parisiennes évoquent immanquablement les grandes heures du Commissaire Maigret. Et le final m’a remis en tête le délicieux Crime à Black Dudley de Margery Allingham. Et pourtant tout y est original.
En bref, il serait dommage de passer à côté de ce roman, déjà honteusement abandonné par les éditeurs français pendant des décennies. Parce qu’un vulgaire tonneau vous fera voyager, frissonner, réfléchir, renifler la piste, et parce que Crofts le vaut bien.
Mademoiselle Potiron
Le Tonneau (The Cask), par Freeman Wills CROFTS, Rivages/Noir 500 pages, 10,50 euros
Si j'osais, je dirais que ce tonneau a pris de la bouteille durant l'année où il a végété dans ta PAL...
RépondreSupprimerDu coup, un de plus ou de moins, hop, j'embarque aussi!
Si bien sûr mon gentil potiron n'y voit pas d'inconvénient...
My sweet potiron,
RépondreSupprimerJ'ai dévoré celui-ci! Une enquête "à l'ancienne" sans ADN, sans Experts, et à l'ambiance fleurant bon le début du siècle dernier. Et toujours cette question lancinante au fil des 500 pages: bon sang, mais qui a expédié ce tonneau, quand et pourquoi?! A mon sens, le dénouement est digne d'une Agatha inspirée.
Le livre a donc quitté ma PAL et attend impatiemment de retrouver ses pénates strasbourgeoises...