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samedi 3 novembre 2012

Pot pourri # 2


Chers Amis du Potager,

Voici encore une petite liste d’ouvrages lus (et appréciés), mais auxquels, au vu de mon retard, j’ai la flemme de consacrer un article particuliers. Tir groupé # 2, donc.

L’Incendie, de Tarjei Vesaas : un livre étrange, incontestablement. Jon, jeune homme fraichement arrivé en ville, suite à un coup de téléphone, se met à arpenter les alentours, au gré de rencontres fantastiques avec des archétypes (la jeune fille, le scieur, le gamin, la vieille). Décousu au premier abord, le récit se fait onirique dès que l’on accepte son étrange côté surréaliste. Intense, mais vraiment étrange. Du coup, si quelqu’un l’a lu, je ne suis pas contre un débriefing, parce que je n’exclus pas d’être passée à côté de quelque chose… Editions La Barque/l’œil d’or, 231 pages, 17€.

Confessions d’une radine, de Catherine Cusset : où comment l’avarice, assumée, peut enrichir ou pourrir la vie d’une femme. Drôle et effrayant à la fois. A noter que cet ouvrage était offert par les éditions Folio pour l’achat de deux titres. Le message subliminal me semble particulièrement clair… Folio, 160 pages, 4.80 euros.
 
Rosa Candida, d’Audur Ava Olafsdottir : parce qu’on n’a pas toujours l’occasion de lire des romans islandais, voici un roman un peu guimauve quand même mais sympathique. Le héros part restaurer le jardin d’un monastère perdu (Pyrénées ? Italie ?) avec dans ses bagages des boutures de Rosa Candida. Un frère « différent », un père veuf à tendance « papa poule », une petite copine judicieusement mise enceinte et la blondinette fruit de ces amours en font définitivement un roman sentimental qui aurait pu basculer dans le niais, n’était la présence attachante des frères du monastère et la beauté rassérénante de son jardin. Zulma, 336 pages, 20.30 euros.

Tu, mio, d’Erri De Luca : avec un titre pareil, je m’attendais à du sirupeux. Sauf que non. Dans l’Italie des années 50, Harry passe ses vacances sur l’île d’Ischia. Y rencontre Caia, jeune fille mystérieuse dont il va vite tomber amoureux. Voilà qui promet, n’est-ce pas ? Sauf que Caia cache un secret et que sa relation avec Harry ne sera pas aussi prévisible que ce début de saga de l’été pouvait promettre. A part quelques passages un peu grandiloquents, c’est une très belle histoire d’amour filial et une réflexion sur le deuil. Pas mal, donc. Folio, 140 pages, 4.80 euros.

 
Svastika, de Junichiro Tanizaki : rien de national-socialiste dans ce roman, où le symbole hindo-bouddhiste fait référence à la relation des 4 personnages principaux. Une rumeur prétend que deux élèves d’une école d’art, Sonoko et Mitsuko, entretiennent une relation saphique. Simple rumeur, mais qui va rapprocher les deux jeunes femmes. Bientôt la jalousie va également s’en mêler, avec Kotaro, le mari de Sonoko, et Eijiro, le fiancé de Mitsuko. Quand la romance vire à l’obsession paranoïaque et à la perversion… Très représentatif de l’œuvre de Tanizaki (qui n’est pas un auteur grec et n’a donc rien à voir avec le tzaziki). Folio, 256 pages, 7.50 euros.

Pastorales de guerre, de Stéphane Emond : la guerre (principalement 14-18) est l’héroïne de ces courtes nouvelles qui se déroulent presque toutes dans l’Argonne, ravagée par les tranchées et les obus. Sans se départir de sa poésie et de son lien profond au terroir, l’auteur nous conte des aventures individuelles, insignifiantes et pourtant indispensables. Editions le Temps qu’il fait, 94 pages, 8 euros.

Voilà de quoi vous occuper un brin, en attendant que le blog reprenne le cours normal de ses activités.

Mademoiselle Potiron

samedi 27 octobre 2012

Akira Yoshimura, Naufrages


Chers Amis du Potager,

Il y a quelques semaines, je vous avais parlé du Convoi de l'eau, admirable roman d’Akira Yoshimura, chaudement recommandé par Francis, le Bernard Pivot de Quai des Brumes. Au détour d’une conversation, il m’avait dit avoir encore préféré du romancier japonais Naufrages, également publié par Babel.

Isaku est un jeune garçon vivant dans un village isolé de la côte japonaise (le premier village voisin est à 3 bons jours de marche). La communauté est pauvre, subsistant du produit de la pêche, de la récolte des algues et de quelques cultures légumières. Les vêtements sont confectionnés à partir de ramie, plante que les femmes filent au cours de l’hiver. La pauvreté est telle que, régulièrement, certains des habitants, les plus vaillants, se vendent à l’intérieur des terres, pour une durée plus ou moins longue. C’est ce qu’a fait le père d’Isaku, parti au printemps pour trois ans.

Au moment où commence le récit, Isaku se débat avec les difficultés de la pêche, qu’il doit assumer seul. Sa mère, à la main leste, fait peser sur lui des responsabilités d’adulte, qu’Isaku prend très à cœur, conscient des dernières paroles de son père qui désirait que les enfants ne meurent pas de faim.

Invité à participer activement à des obsèques, Isaku entre à l’automne dans le cercle des adultes. A ce titre, il est chargé de surveiller de nuit les feux brûlants sous les marmites où l’on fait évaporer l’eau de mer pour en récolter le sel. Epreuve initiatique pour le garçon, qui est mis au fait de ces incendies nocturnes : dérouter les navires chargés de riz en perdition dans les tempêtes.

Au fil des saisons (le rougissement des feuilles, la première neige, les avalanches de printemps, la période des maquereaux), Yoshimura nous conte l’histoire de ces trois années d’absence paternelle, rythmée par les différentes activités de la communauté, les naissances et les décès, les rituels destinés à apporter une bonne pêche ou de bons naufrages. Parce que l’échouage de ces bateaux est une manne qui apporterait la prospérité aux habitants pour plusieurs années, tandis que son absence les contraindrait à se louer ailleurs.

Il y a une beauté assez cruelle à observer cette communauté suspendue aux caprices des flots, espérant le désastre pour survivre, craignant les enquêtes des fonctionnaires, livrée aux aléas de la nature. Comme dans le Convoi de l’eau, l’isolement compose le fond du décor, la mort et la misère rôdent. Le pathos est pourtant absent de ce quotidien âpre, où les circonstances génèrent la violence des comportements. Des mouvements de tendresse sont toutefois perceptibles, dans l’amour maladroit qu’Isaku voue à la jeune Tami.

Je ne vous dirai pas s’il s’agira d’années de vaches maigres, ou si le sort sera favorable à notre village. Sachez seulement que le destin est parfois capricieux, et que ce serait dommage de passer à côté de ce roman fort et poétique.

Mademoiselle Potiron

Naufrages (Hasen – 1982 – traduit par Rose-Marie Makino), par Akira YOSHIMURA, Babel, 192 pages, 7,70 euros

PS : pour les amateurs, la librairie Quai des Brumes a maintenant son site internet bien à elle. Outre les événements programmés à la librairie, la partie « blog » vous permettra de vous tenir au jus des découvertes des libraires.

jeudi 13 septembre 2012

Akira Yoshimura, le Convoi de l'eau


Chers Amis du Potager,

Damned, Francis a encore frappé. C’est en effet sur ses conseils avisés que je me suis penchée sur le Convoi de l’eau, d’Akira Yoshimura. Et bien m’en a pris.

Il y a quelques années, j’avais lu la Jeune fille suppliciée sur une étagère, du même auteur. Outre son titre fabuleux, je garde un bon souvenir de courte nouvelle. Du coup, sitôt em-PAL-é, sitôt lu.

Au cours de la seconde guerre mondiale, un B-29 de l’armée américaine s’est écrasé dans une gorge perdue des montagnes japonaises, aux abords d’un hameau oublié de tous. Quelques années plus tard, grâce à un survol en hélicoptère, les ingénieurs d’une compagnie électrique s’avisent que cette vallée encaissée, irriguée par un torrent au débit important, ferait un emplacement idéal pour le lac de retenue d’un barrage hydroélectrique.

Des ouvriers sont donc envoyés sur place, pour tâter le terrain (au sens propre). Au terme de 5 jours de marche forcée au travers d’une sombre forêt, le narrateur et la soixantaine d’ouvriers qui l’entoure, arrivent enfin au but. Et la beauté de l’endroit le frappe, avec son torrent ronflant, son hameau de vieilles maisons aux toits pentus recouverts de mousses, son pont de terre, son temple et son impressionnant cimetière qui, contre toute attente et toute logique économique dans un lieu où la terre arable est rare, donc précieuse, occupe une longue partie plane de l’étroite vallée, où le printemps s’accompagne de l’apparition d’une multitude de petites rainettes d’un joli vert.

Pourtant, les relations entre les ouvriers et les quelques 300 habitants du hameau sont réduites au strict minimum. On s’épie de loin, on se prévient du début des travaux de dynamitage, et c’est tout. Ces deux mondes pourraient évoluer en parallèle, sans jamais se croiser, mais les travaux dans la montagne ne peuvent que se répercuter sur la silencieuse communauté locale. Et que le hameau exerce une attraction involontaire, tantôt émue, tantôt haineuse, sur les ouvriers.

Au cours d’une cohabitation sur presqu’un an, le narrateur, qui traîne derrière lui quelques casseroles (pour ne pas dire de bonnes grosses marmites), va s’apaiser au contact de ce hameau moussu, retrouver une sérénité que les menaces d’expropriation pourraient mettre à mal.

Je n’en dirai pas plus (j’ai déjà été bien bavarde).

C’est un récit extrêmement fort, extrêmement beau, pleine d’une poésie sans pathos, pleine d’une humanité douce-amère, qui trouve son aboutissement dans les dernières pages, où le titre trouve enfin sa résonnance.

C’est aussi l’histoire de la rédemption d’un homme, d’une lutte contre la fatalité, d’une résistance qui ne dit pas son nom. Une histoire d’amour aussi, d’une certaine façon.

En résumé, c’est à lire absolument.

Mademoiselle Potiron

Le Convoi de l’eau (mizu no soretsu – 1976 – trad. Yukata Makino), par Akira YOSHIMURA, Babel 174 pages, 6,60 euros

mercredi 29 août 2012

Ô mon Japooooonnnn !!!


Chers Amis du Potager,

Parce que j’aime quand c’est japonais, petite sélection nippone.

Qui débute avec un charmant érudit allemand, Eugen Herrigel. Celui-ci, désireux de trouver une voie spirituelle qui lui convienne, profite d’un séjour au Japon, où il enseigne la philosophie, pour s’initier à l’art ancestral du tir à l’arc.

Car le kyūdō, l’art chevaleresque du tir à l’arc, n’a pas seulement une finalité purement sportive ou pragmatiquement guerrière. Il s’agit également (voire surtout) d’une voie d’entrée vers le zen et la découverte de soi.

Rien, dans cet apprentissage, n’aura été simple pour notre germain philosophe. Il faut découvrir chacune des étapes, des épreuves subies, sous les parcimonieuses directives de son maître (au Japon, l’enseignement se fait pas l’exemple, loin de la théorisation académique). Face aux errances de son élève, le maître ira jusqu’à donner l’ultime preuve de son talent, lors d’une séance nocturne à valeur initiatique.

Ce court récit est remarquable, tant par son contenu, que par la naïveté tendre dont fait preuve Eugen Herrigel, est une lecture très agréable, qui, s’il ne permet pas d’accéder directement au zen (dont le maître n’était pas nécessairement adepte), offre une découverte « par la bande » de l’art du détachement de soi.

Cet opuscule est sans doute fondateur dans les relations entre l’occident et le Japon, puisqu’il est cité par Hisayasu Nakagawa dans son Introduction à la culture japonaise.

Recueil d’articles écrits dans un français remarquable par ce spécialiste des Lumières et plus particulièrement de Diderot, professeur émérite de littérature française à l’université de Kyōto, il permet une ouverture sur l’âme japonaise et les conceptions culturelles qui la différencient des modes de réflexion occidentaux.

A travers la politesse outrée des employés de Japan Air Lines, les différents rites religieux, le rapport à la mort (paradoxal pour un européen, mais particulièrement pragmatique et poétique), les concepts d’immanence et de transcendance, avec érudition mais sans pédantisme, avec cette vraie modestie propre aux gens intelligents, Hisayasu Nakagawa ouvre une porte sur une autre culture, attachante et sensible.

Pour finir sur une note plus girly (quoique…), l’Institut Français de la Mode a édité récemment un recueil d’articles consacré aux esthétiques du quotidien au Japon. Très solidement documenté, cet ouvrage présente les arts esthétiques japonais (décoration, jardins, mode, objet du quotidien) dans une perspective historique entre dépouillement et ostentation, puis en les replaçant dans leur contemporanéité (à signaler notamment l’intéressante interview de Tadao Ando, le célèbre architecte lauréat du prestigieux prix Pritzker.

Les articles sont entrecoupés de notes présentant les différents concepts esthétiques japonais (tel le diptyque wabi/sabi) ou des thématiques associées (tels l’art d’offrir des cadeaux, l’ikebana ou le statut de la femme), ainsi que par les illustrations magnifiques réalisées par Nicolas de Crécy.

Mademoiselle Potiron

Le Zen dans l'art chevaleresque du tir à l'arc, par Eugen HERRIGEL, Dervy, 130 pages, env. 10 euros
Introduction à la culture japonaise, par Hisayasu NAKAGAWA, Puf, 112 pages, 13,50 euros
Esthétiques du quotidien au Japon, IFM, 210 pages, 24 euros