Chers Amis du Potager,
Damned, Francis a encore frappé.
C’est en effet sur ses conseils avisés que je me suis penchée sur le Convoi de l’eau, d’Akira Yoshimura.
Et bien m’en a pris.
Il y a quelques années, j’avais
lu la Jeune fille suppliciée sur une
étagère, du même auteur. Outre son titre fabuleux, je garde un bon souvenir
de courte nouvelle. Du coup, sitôt em-PAL-é, sitôt lu.
Au cours de la seconde guerre
mondiale, un B-29 de l’armée américaine s’est écrasé dans une gorge perdue des
montagnes japonaises, aux abords d’un hameau oublié de tous. Quelques années
plus tard, grâce à un survol en hélicoptère, les ingénieurs d’une compagnie
électrique s’avisent que cette vallée encaissée, irriguée par un torrent au
débit important, ferait un emplacement idéal pour le lac de retenue d’un
barrage hydroélectrique.
Des ouvriers sont donc envoyés
sur place, pour tâter le terrain (au sens propre). Au terme de 5 jours de
marche forcée au travers d’une sombre forêt, le narrateur et la soixantaine
d’ouvriers qui l’entoure, arrivent enfin au but. Et la beauté de l’endroit le
frappe, avec son torrent ronflant, son hameau de vieilles maisons aux toits
pentus recouverts de mousses, son pont de terre, son temple et son
impressionnant cimetière qui, contre toute attente et toute logique économique
dans un lieu où la terre arable est rare, donc précieuse, occupe une longue
partie plane de l’étroite vallée, où le printemps s’accompagne de l’apparition
d’une multitude de petites rainettes d’un joli vert.
Pourtant, les relations entre les
ouvriers et les quelques 300 habitants du hameau sont réduites au strict
minimum. On s’épie de loin, on se prévient du début des travaux de dynamitage,
et c’est tout. Ces deux mondes pourraient évoluer en parallèle, sans jamais se
croiser, mais les travaux dans la montagne ne peuvent que se répercuter sur la
silencieuse communauté locale. Et que le hameau exerce une attraction
involontaire, tantôt émue, tantôt haineuse, sur les ouvriers.
Au cours d’une cohabitation sur
presqu’un an, le narrateur, qui traîne derrière lui quelques casseroles (pour
ne pas dire de bonnes grosses marmites), va s’apaiser au contact de ce hameau
moussu, retrouver une sérénité que les menaces d’expropriation pourraient
mettre à mal.
Je n’en dirai pas plus (j’ai déjà
été bien bavarde).
C’est un récit extrêmement fort,
extrêmement beau, pleine d’une poésie sans pathos, pleine d’une humanité
douce-amère, qui trouve son aboutissement dans les dernières pages, où le titre
trouve enfin sa résonnance.
C’est aussi l’histoire de la
rédemption d’un homme, d’une lutte contre la fatalité, d’une résistance qui ne
dit pas son nom. Une histoire d’amour aussi, d’une certaine façon.
En résumé, c’est à lire
absolument.
Mademoiselle Potiron
Le Convoi de l’eau (mizu no soretsu – 1976 – trad. Yukata Makino), par
Akira YOSHIMURA, Babel 174 pages, 6,60 euros
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