Chers Amis du Potager,
Marie-Hélène Lafon est née et a
grandi dans le Cantal. So what ? m’interromprez-vous. Eh bien, le Cantal
est le thème principal de son recueil, sobrement intitulé Album.
Alors bon, oui, dit comme ça, le
Cantal, à part une publicité débile (et misogyne) pour le fromage du même nom
et le fait qu’à Aurillac on se les gèle, le Cantal, ben, ça ne vous inspire pas
grand-chose. Tut-tut-tut.
Marie-Hélène Lafon devrait y
remédier, surtout si votre vision de la ruralité va plus loin que le salon de l’agriculture
ou l’amour est dans le pré. Bref.
Dans ce recueil, qui a des airs d’abécédaire,
la conteuse va vous présenter ce qui remplit ses souvenirs du Cantal : une
paire de botte, un tracteur, le mufle tiède d’une vache salers, les nuages qui
survolent la campagne, les arbres solitaires et hiératiques, les brumes et la
rivière.
Et c’est beau.
Tous ceux qui, comme moi, ont
fréquenté la campagne y trouveront des échos à leur enfance, à leurs
grands-parents, aux cabanes dans les bois, au chocolat chaud des goûters.
Ce recueil est une madeleine de
Proust, qui sent l’écurie et la paille tiède. Il ne se lit pas. Il se hume, il
se respire, il se goûte, il se tâte.
Parce que quand Marie-Hélène
Lafon décrit les brumes sur la rivière, ceux qui les ont connues perçoivent ce
parfum humide et frais, un peu terreux. Parce que quand Marie-Hélène Lafon
décrit les bottes en caoutchouc, je revois les miennes (jaunes avec un soleil
imprimé dans la semelle) couvertes de brins d’herbe coupée qu’y collait la
rosée. Parce que ma grand-mère aussi tricotait des chaussons en laine, à
glisser dans les godillots qui servaient au jardin.
Elle y parle aussi de la solitude
de ces terres abandonnées, de ces résidences secondaires sur lesquelles on
referme en octobre des volets qui ne s’ouvriront plus jusqu’au printemps, de la
rudesse du climat, de l’âpreté de la terre et des hommes.
Dans un style simple, mais d’une
poésie redoutable, elle nous enchante, nous charme.
Et vous avouerez que rédiger un
texte sur une paire de bottes ou le journal, il faut le faire, non ?
Un grand merci à Sylvie, qui m’a
fait partager cette lecture à la fois réconfortante et nostalgique.
Mademoiselle Potiron
Album (2012), par Marie-Hélène LAFON, Buchet-Chastel, 94 pages, 10
euros.
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