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dimanche 1 janvier 2012

C.J. Cherryh, Hestia

Chers Amis du Potager,

Hestia est une planète lointaine, accessible après un voyage de sept ans à bord d’un vaisseau galactique. Couverte de forêts denses, sa misérable colonie, qui s’est installée à New Esperance, n’est composée que de paysans et d’ivrognes. Il faut dire que le climat n’est pas favorable. Des crues régulières et dévastatrices anéantissent toute tentative de développement, à supposer que les Hestians souhaitassent se développer, ce qui est un autre problème.

Sam Merritt, ingénieur, a débarqué sur la planète pour y construire un barrage qui devrait réguler les caprices du fleuve. Mais à peine arrivé, son collègue Don laisse entendre que le barrage ne changera rien, parce que les Hestians sont, en substance, des abrutis. Ils décident donc de rembarquer au plus vite à bord de l’Adam Jones.

Mais le gouverneur Lee, ayant vent de l’affaire, retient Sam, et l’oblige à mener à bien la mission pour laquelle il a débarqué sur Hestia : construire le fameux barrage.

Sam remonte donc la rivière, sur la Celestine, menée par Amos et Jim Selby, pour s’installer dans la ferme fortifiée des Burns, qui sera le camp de base des travaux.

Pourquoi une ferme fortifiée ? Parce qu’en plus d’une météo pourrie, Hestia abrite les « Autres », population locale jamais entrevue, malgré les battues, mais dont les traces sont visibles autour des fermes : longues empreintes de pied, bétail égorgé, granges enflammées. Les « Autres » n’aiment pas que l’on détruise les arbres. Or, les colons doivent défricher pour leurs troupeaux et leurs cultures.

Sans vouloir trop déflorer le sujet, sachez simplement que les deux peuples vont finir par se rencontrer, à la faveur du dynamitage d’une falaise, que les Autres sont d’étranges créatures félines assez proches des humains et que leurs destins respectifs vont basculer (n’importe quelle 4e de couv’ sera trop bavarde à mon goût).

Hestia est donc un roman de science-fiction, présentant l’avantage de mettre en scène des colons qui ont sérieusement régressés technologiquement. Aucune nécessité, donc, pour la romancière, d’imaginer des fusils à plasma et des propulseurs ioniques. L’ambiance est plus proche de la petite maison dans la prairie que de Battlestar Galactica. Cela évite le côté parfois trop artificiel propre à l’anticipation (parce qu’on anticipe toujours à côté de la plaque).

Les thèmes abordés sont assez classiques (la lutte pour survivre, l’apprentissage de la cohabitation, l’amour, la haine). Malgré une intrigue elle aussi assez prévisible, le cours de l’histoire est très agréable, car émaillé de petits ou grands événements qui maintiennent l’attention du lecteur. On ressent particulièrement l’urgence à construire le barrage pour les Hestians, et les réticences de Sam, qui craint qu’un ouvrage bâclé ne provoque une catastrophe pire encore que les inondations annoncées.

Cet agrément vient aussi, pour beaucoup, des personnages, bourrus mais attachants, de la beauté sauvage d’Hestia, et du rythme d’écriture, alternant descriptions (assez poétiques) et dialogues percutants.

D’un certain point de vue, j’y ai trouvé des échos à l’Avatar de James Cameron, notamment dans la situation « géopolitique » d’Hestia, et dans certains personnages secondaires.

Alors voilà. Ce n’est peut-être pas le roman le plus original de l’année (sans doute l’était-il davantage en 1979, date de sa sortie initiale), mais c’est néanmoins un récit très agréable, à lire avec plaisir.

Mademoiselle Potiron
Hestia, par Carolyn Janice CHERRYH, J'ai Lu Science-Fiction 1979, 255 pages

mardi 22 novembre 2011

Ray Bradbury, Fahrenheit 451

Chers Amis du Potager, 

Ce roman est un véritable chef d’œuvre, connu de tous. En faire la critique n’est donc pas du gâteau (même si on se souvient que j’avais entamé mes posts en critiquant les Hauts de Hurle-Vent… Même pas peur…).

Guy Montag est un pompier. Mais pas un pompier qui éteint les incendies, dans un monde où les maisons sont ignifugées. Un pompier équipé d’un lance-flammes chargé de brûler les livres, objets maudits dans un monde où le visuel, et le virtuel, sont rois. Sa femme Mildred vit d’ailleurs dans une bulle perpétuelle, cultivant une illusion de bonheur.

Un soir, en rentrant du travail, encore imprégné de l’odeur de l’essence et de la flamme, Montag rencontre Clarisse, sa voisine, jeune fille étrange, ouverte aux réalités de la vie et pleine de questions. Pendant quelques jours, ils feront un bout de chemin ensemble, et les idées en l’air de Clarisse vont trouver un écho en Montag.

Il rencontre également une autre femme, chez qui il est venu brûler des livres, et qui préfère s’immoler avec eux plutôt que de voir des œuvres détruites par les pompiers.

Ce sacrifice bouleverse Montag, déjà ébranlé par la disparition de Clarisse. Et le fait peu à peu basculer de l’autre côté. Du côté des livres.

Jusqu’à la trahison.

Alors, oui, Fahrenheit 451 est un classique.

Mais quel classique !

En quelques brèves pages, Ray Bradbury réussit l’exploit de décrire, en même temps :
- Une société déboussolée et psychotique,
- De belles rencontres amicales,
- Un thriller punchy,
- Des innovations technologiques, prospectives pour Bradbury, mais aujourd’hui ancrées dans notre réalité (ce livre est vraiment prophétique),
- Une réflexion sur la condition humaine et son rapport à la culture,
- Le délitement d’une histoire d’amour,
- Une révolte,
- Une apocalypse nucléaire,
- Une mémoire vivante des livres (qui, soit dit en passant et sans vouloir spoiler, a dû inspirer largement le Livre d’Eli, film avec Denzel Washington et mon cher Gary Oldman).

Rien que ça.

Et la langue est somptueuse. Parce qu’à la tension dramatique maintenue de bout en bout, Bradbury réussit l’exploit d’écrire avec élégance et une grande beauté, pour parler des livres marquants, ou d’autres qui le sont moins mais qui n’en méritent pas moins d’exister.

Bref, pour moi, une réussite, brillante, puissante, intelligente. 

Mademoiselle Potiron
Fahrenheit 451, par Ray BRADBURY, 1953, Folio SF, 213 pages, 5,70 euros