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samedi 3 novembre 2012

Bill Bryson, Nos voisins du dessous


Chers Amis du Potager,

Après nos aventures chinoises, continuons dans cet espace affectionné par les fabricants de rubrique des magazine, à savoir la zone Asie-Pacifique, en nous penchant d’un peu plus près sur le cas de nos Voisins du dessous, à savoir les Australiens.

Bill Bryson est un journaliste comme je les aime, un cousin sur le plan intellectuel de l’excellent Redmond O’Hanlon, mais en version américaine.

Aventurier optimiste, d’aucuns diraient béat, il s’est organisé de nombreux séjours en Australie, qui sortaient des sentiers battus, alors même qu’il reconnaît que si les Aussies sont accueillants et sympathiques, la faune, la flore, la nature locales font tous les efforts possibles pour vous exterminer.

Vouant une obsession un rien morbide aux araignées, serpents, requins, guêpes de mer, casoars, kangourous, méduses, coquillages, crocodiles, plantes vénéneuses et autres spécialités locales meurtrières tels les courants marins ayant fait disparaître un premier ministre (oui, oui, les premiers ministres australiens peuvent disparaître purement et simplement au détour d’une baignade), charmes exotiques du pays, Bill Bryson les décrit avec la passion d’un entomologiste. Toujours à l’affût de l’anecdote amusante et/ou sanglante, celles-ci lui permettent de développer des thèmes plus élevés, notamment l’histoire et l’exploration du pays.

Parce que sous des dehors très rigolards, qui font le charme de l’ouvrage et en font filer comme le vent les 450 pages, Bill Bryson n’a pas oublié qu’un bon journaliste est un journaliste documenté.

Au cours de plusieurs périples (dans l’outback, au cours d’un circuit des villes de la côte sud-ouest, dans le redoutable Queensland et le désert rouge du Territoire du Nord, pour finir par longer la côte de l’Australie Occidentale), l’auteur distille son savoir avec intelligence, sans fatuité, au détour de minuscules musées perdus, ou de langouste géante en carton-pâte.

Et c’est diablement intéressant, parce l’île-continent ne ressemble à aucune autre terre, et que sa population est unique. On y trouve des organismes remontant au fond des âges (et je pèse mes mots, ce sont eux qui ont permis à l’oxygène de se disperser dans notre atmosphère. Vous pouvez donc remercier les curieux stromatolithes, sans lesquels vous n’auriez pas l’infini plaisir de me lire aujourd’hui. Sauf si vous êtes une bactérie anaérobie, bien sûr), les plus arides déserts, les plus violents poisons (qui tueraient tout un troupeau d’éléphants, alors qu’il n’y a pas d’éléphants par nature en Australie), les paysages les plus somptueux, le climat le plus fou.

Et Bryson, au détour d’Uluru, saisit l’essence même du charme. Uluru, anciennement Ayers Rock, tout le monde voit à quoi ça ressemble. Bill décrit la saturation de panneaux représentant le célèbre rocher sur la route qui mène au site. On en est gavé avant même de l’atteindre, jusqu’à l’écœurement. Et pourtant, dès qu’on y est, on est prisonnier d’un magnétisme quasi magique. Uluru parle à l’âme, sans intermédiaire.

Et c’est ce que beaucoup ressentent au contact de ce pays immense et quasi désert, discret et méconnu, rude et parfois franchement inhospitalier, mais dont la beauté est si grande. Sans compter que nos voisins du dessous sont d’une gentillesse décontractée qui redonne ses lettres de noblesse à la coolitude.

Alors si les 18 heures (pour Perth, rajouter au moins 5 heures pour Sydney) d’avion ne vous effraient pas, allez-y sans hésiter. Si vous craignez l’avion, commencez donc avec Bill Bryson. Il saura vous convaincre que cela vaut le coup (et pour avoir testé, ça vaut VRAIMENT le coup).

Mademoiselle Potiron

Nos Voisins du dessous, chroniques australiennes (Down under, traduit par Christiane et David Ellis), par Bill BRYSON, Petite Bibliothèque Payot, 450 pages,9.65 euros.

samedi 18 février 2012

Redmond O'Hanlon, Help !


Chers Amis du Potager,

Souvenez-vous. Nous avions quitté Redmond O’Hanlon au cœur de la jungle de Bornéo, après une expédition à la recherche du rhinocéros de Sumatra, en compagnie du poète James Fenton.

Quelques années plus tard, une nouvelle fois saisi par la bougeotte, Redmond décide de tenter un voyage en pirogue dans la forêt amazonienne vénézuélienne, sur les traces de Richard Spruce et d’Alexander von Humboldt.

Après avoir renouvelé le contenu de son Bergen grâce à un petit séjour chez ses potes des SAS, Redmond se met en quête d’un compagnon de route. James Fenton refuse tout net (Bornéo lui a suffit), ses autres camarades déclinent également, ayant tous des choses plus intéressantes à faire (aller chez le dentiste, par exemple).

Redmond se rabat donc sur Simon Stockton, pur produit de la culture urbaine londonienne, photographe, pote de Martin Amis, amateur de jolies filles, ancien directeur de boîte de nuit et co-gérant du Kensington Sovereign Casino, dont le langage fleuri devrait s’accorder à merveilles avec la luxuriance sud-américaine (tu parles…). Le pauvre garçon, dans un moment d’égarement (découvrir son moi intérieur, toussa, toussa) accepte donc d’accompagner dans son aventure celui qu’il surnomme affectueusement Dodu.

Direction Caracas, donc, où Charlie Brewer-Carias, célèbre naturaliste et explorateur, concocte pour Redmond un itinéraire au poil, lui fournit une équipe sûre, basée à San Carlos de Rio Negro, des conseils logistiques, ainsi qu’un couteau multi-usage, à côté duquel le couteau suisse fait figure de simple cure-dent.

Comme toujours avec Redmond, l’expédition se révèle haute en couleurs, que celles-ci proviennent des plumes chatoyantes des oiseaux, des orchidées ou des bottes jaune poussin portées par Pablo.

La nature est à la fois hostile et envoûtante, abordée avec un flegme tout britannique (dans les mauvais moments) et un enthousiasme bondissant (dans les bons moments) par notre héros, au grand désespoir de Simon qui, lui, ne comprend toujours pas ce qu’il est venu faire dans cette galère.

L’aboutissement de cette quête, c’est la découverte des authentiques Yanomami, peuplade primitive, dont les mœurs sont réputées violentes à souhait. Les compères de Redmond, d’ailleurs, malgré leur posture de machos sans peur et sans reproche, en prend un léger coup, à cette perspective, et il faudra toute la détermination de l’orgueil blessé de Chimo pour que la rencontre ait enfin lieu.

Inutile de préciser que nos aventuriers ne finiront pas en pâtée pour aligator, mais que la soumission aux coutumes Yanomami vous décolle malgré tout la pulpe du fond. Redmond en fera l’halucinante (au sens propre) expérience.

Une fois encore, Redmond allie les découvertes naturalistes à l’aventure humaine. Pour ne rien dire de son humour anglais omniprésent, qui donne un côté picaresque à ces pérégrinations érudites et croquignolesques.

Mademoiselle Potiron

Help ! ma croisière en Amazonie (In trouble again), par Redmond O’HANLON, Petite Bibliothèque Payot 1988, 433 pages, 10,40 euros

jeudi 1 septembre 2011

Redmond O'Hanlon, Au coeur de Bornéo

Chers Amis du Potager,

Comment occuper ses loisirs lorsque l’on est diplômé d’Oxford, et que l’on vient d’achever une thèse doctorale ayant pour titre « Changing scientific concepts of nature in the English novel, 1850-1920 » ?

Cela va de soi : en s’engageant dans la jungle de Bornéo, plus précisément du Sarawak, pour y faire l’ascension d’une montagne non répertoriée sur les cartes (une des dernières terrae incognitae du début des années 80 d’avant la révolution satellitaire), dans l’espoir d’apercevoir un hypothétique rhinocéros de Sumatra, espèce endémique.

Pour cela, Redmond O’Hanlon, ledit érudit, enrôle son pote le poète James Fenton, dont le crâne chauve abrite davantage d’extraits de W.H. Auden, que du manuel des castors juniors.

Après un entraînement expéditif assuré par les SAS, qui leur ont gentiment fourni le matériel indispensable (antifongique, hamac aux innombrables suspentes, comprimés purificateurs d’eau, pilules pour divers maux, surtout intestinaux et fébriles, entre autres), nos deux compères débarquent à Bornéo, s’adjoignent les services de deux indigènes Dayaks (à l’anglais approximatif et à l’irrévérence joyeuse), ainsi que de leur chef, et entreprennent de remonter une capricieuse rivière pour atteindre la montagne en question.

Inutile de dire que le régime riz gluant-poisson bourré d’arêtes va vite agacer nos aventuriers, qui essaieront d’autres innovations culinaires (pas toujours des réussites), que les insectes pullulant les inciteront à se pulvériser régulièrement du répulsif (surtout dans le pantalon, si vous voyez ce que je veux dire), ledit répulsif étant nettoyé à chaque plongée dans la rivière (de plus en plus fréquentes à mesure que le cours d’eau s’étrécit et se change en succession de rapides, dans lesquels James manquera fort flegmatiquement de se noyer), que les sangsues ne sont pas des êtres sympathiques lorsqu’il vous en grimpe une dizaine (au moins) sur chaque jambe.

Leur humour est inébranlable, tout comme leur calme (James Fenton doit être la seule personne à avoir lu les Misérables dans une pirogue en pleine brousse, des papillons posés sur son chapeau). Et il faut dire que ces qualités leur seront utiles lors de leurs rencontres avec les populations locales Ibans vivant dans de « longues maisons », aux mœurs légères et aux banquets très arrosés, aux costumes rituels peu pratiques et à la curiosité sans fond (dont une volonté farouche d’apprendre à danser le disco, ce que ni Redmond ni James ne sont en mesure de leur enseigner).

Malgré les avanies de leur périple, Redmond conserve une curiosité bienveillante de chaque instant pour les beautés de la faune et de la flore locales, son exemplaire du Smythies (Birds of Borneo) toujours à portée de main.

Et se trouve confronté à la fragilité des populations locales, qui tentent de préserver leurs coutumes ancestrales, tout en étant à la merci du moindre bobo (la plus petite blessure peut finir en septicémie sous les tropiques) car loin de tout centre médical, même rudimentaire. Nos deux Anglais procéderont d’ailleurs à quelques consultations, distribuant antibiotiques, antiseptiques et antalgiques aux locaux venus exposés leurs blessures et maladies.

Un revigorant récit de voyage, drôle mais dense, qui permet d’ouvrir les yeux sur un monde perdu.

Mademoiselle Potiron

Au cœur de Bornéo (In the Heart of Borneo), par Redmond O’HANLON, Petite Bibliothèque Payot, 315 pages, 9 euros