mercredi 29 août 2012

La Traversée du Louvre... en bus


Chers Amis du Potager,

Sylvie, chez Quai des Brumes, de son propre aveu, n’est pas trop amatrice de bande dessinée. Pourtant, elle a le chic pour dénicher l’album parfait. C’est ça, le talent. La preuve par deux exemples, dans des genres très différents.

 Tout d’abord, David Prudhomme nous invite à une Traversée du Louvre. Le héros, double transparent du dessinateur, se rend au Louvre avec Jeanne, sa compagne. Alors qu’il est devant l’autoportrait de Rembrandt, un ami l’appelle sur son téléphone portable. Pendant qu’il déambule dans la salle des Rubens, il lui explique que ce musée est comme une bande dessinée, avec tous ces dessins au mur, au point qu’il a l’impression d’être dans Tintin. L’appel terminé, il se rend compte qu’il a perdu Jeanne de vue. Lui téléphone. Répondeur. Lui envoie un sms. Pas de réponse. Il entame alors une course à travers toutes les salles du musée, dans l’espoir de la retrouver.

Ce qu’il y a de fascinant, c’est qu’à partir d’une histoire très simple (chercher un ami dans un lieu public), David Prudhomme nous offre une vision à la fois pure et décalée du Louvre. Pure parce que les salles sont reproduites et que l’on s’amuse à reconnaître les œuvres sur chaque planche (la Dentelière de Vermeer, le fringuant Saint Jean Baptiste de Léonard ou le décédé Saint Jean Baptiste d’Andrea Solario, le Scribe), et les célèbres salles, comme la Cour Marly, la Grande Galerie ou la salle des Cariatides.

Décalée, parce que s’y superpose la confrontation permanente entre le touriste, le visiteur, et les œuvres. Si la Joconde est entrevue, David Prudhomme nous propose l’envers du décor, avec ce que Mona Lisa, elle, voit tandis qu’on la contemple : un troupeau de touristes, plus ou moins béats, plus ou moins bovins, avec les Noces de Cana en toile de fond.

Les visiteurs contemplent les œuvres, y trouvent parfois un reflet, telle cette jeune femme à lecteur mp3, qui prend des notes avec son stylet sur sa tablette tactile, dont le profil fait face à celui du Scribe, dans une symétrie saisissante. Ou ce couple asiatique assis dans l’embrasure d’une fenêtre, à côté d’un couple d’Egyptiens antiques.

Très peu de textes, dans ce magnifique guide graphique, où les couleurs sont douces, presqu’estompées, nimbées d’un halo singeant le fameux flou artistique. Tout est effacé, et pourtant criant de vérité, presque palpable. Vraiment un très bel ouvrage.

Dans un style très différent, le bus (oui, tout en minuscule, c’est une volonté de l’auteur) regroupe les comics strips réalisés par paul Kirchner pour un magazine de métal dans les années 80. Le héros est un autobus américain classique, aux destinations improbables (« ailleurs », « au-delà », « ici et maintenant »), et un homme d’affaires anonyme, en gabardine, chapeau, parapluie.

Le dessin est volontairement sobre. Les histoires se concentrent autour d’actions quotidiennes : attendre le bus, monter dans le bus, payer, s’asseoir, descendre du bus. A priori pas de quoi faire tout un recueil. Pourtant, l’humour absurde et le goût pour le surréalisme de Paul Kirchner apporte toujours la petite touche de fantaisie ou de poésie qui frappera le lecteur. On y découvre également la vie privée du bus, qui attend le début de sa tournée accoudé dans un bar.

A ce titre, la première planche est révélatrice : l’homme attend le bus. Une inondation envahit peu à peu le décor. Pour ne plus avoir les pieds dans l’eau, l’homme grimpe sur le poteau de l’arrêt de bus et d’y assoit. Le bus arrive alors, en roulant sur l’eau. Cela ne vous rappelle rien ? Il y a du Miyazaki dans cette scène, comme lorsque Chihiro attend le train qui s’élance sur la mer étale.

C’est vraiment très drôle (si l’on aime l’absurde), et beaucoup des planches, sous couvert de faire rire, contiennent des réflexions sur le sens de la vie (comme diraient les Monty Python) ou sur l’imbécilité de certains de nos comportements. Une belle découverte donc.

Et qu’est-ce qu’on dit ? Merci Sylvie !

Mademoiselle Potiron

La Traversée du Louvre, par David PRUDHOMME, Futuropolis et les éditions du Louvre, 80 pages, 17 euros ;
Le bus (the bus), par Paul KIRCHNER, Librairie Tanibis, 96 pages, 15 euros

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire