mercredi 29 août 2012

Annie Proulx et Thomas Savage (I'm a pooooor lonesome cooowboooyyy!)


Chers Amis du Potager,
 
Continuons notre florilège bibliophile, concocté par Arnaud.

Bon, avouons. Non, je n’ai pas vu le film Brokeback Mountain. Non, je ne suis pas fan des films sur le thème « je t’aime mon amour dans l’alpage à mourir ». Rappelez-vous que je suis une sans cœur. Et que je boycotte Ang Lee depuis qu’il a transformé Hulk en minet niaiseux (et en Eric Bana).

Du coup, quand Arnaud m’a proposé de lire quelques nouvelles d’Annie Proulx, je me suis bien marrée in petto. Sauf qu’il a su piquer ma curiosité en me jurant que les Nouvelles histoires du Wyoming ne contenaient pas une once de guimauve (à part celle qu’on fait fondre autour du feu de camp, parce que celle-là, j’aime bien).

Et effectivement, ces Nouvelles histoires du Wyoming ne respirent pas franchement le romantisme, sauf à considérer qu’une bande de ranchers dépressifs et portés sur la bouteille (quand ils ne sont pas franchement imbibés), plus obtus que des gnous et aussi raffinés que du sucre brun sont des lords Byron en puissance.

Cette bande de loosers congénitaux apportent une légèreté bienvenue à une réalité économique et climatique bien plus rude : au Wyoming, à part quelques milliardaires originaires d’autres Etats, la majorité de la population est constituée d’éleveurs tirant le diable par la queue dans un paysage superbe mais où soit le blizzard vous ensevelit sous deux mètres de neige, soit la sècheresse vous accable, mais toujours (parce qu’il fait des constantes) dans un vent à décorner les cocus. La nature y est belle, certes, mais cruelle.

Pour pallier un manque de distractions plus qu’évident (le Wyoming, c’est un peu la Lozère, en beaucoup moins peuplé et en beaucoup plus grand), on picole, on chasse l’élan et la femme à forte poitrine, on fait des concours bizarres, et on exhume des ustensiles d’autrefois (ah, le bon vieux tub, où on pouvait faire trempette). Quant à Amanda, la barmaid du coin, en plus d’avoir de l’humour, on découvrira qu’il s’agit d’une femme de tête. Bien, bien. Et les cowboys amoureux, me direz-vous ?

Il faut en effet savoir que les Nouvelles histoires du Wyoming font suite aux… Pieds dans la boue (prière de ne pas chercher la cohérence éditoriale, merci), recueil où se trouve la fameuse nouvelle aux bergers transis d’amour (« mais ch’suis pas pédé, moi »). Je m’attendais au pire (mais comme j’ai tanné Arnaud pour trouver ce scrogneugneu de recueil qui ne pouvait pas s’appeler Histoires du Wyoming et que c’était les vacances, que voulez-vous, je suis faible), je m’y suis donc plongée illico.

C’est beaucoup moins drôle que les Nouvelles histoires, mais plus dense, plus âpre. Les défigurés et estropiés sont livrés par wagon, les fous de gâchette sont légion et nos deux cowboys amoureux ne sont pas aussi gnangnan qu’Ang Lee me le faisait craindre. En fait, ils sont plutôt touchants, parce qu’au-delà de l’histoire d’amour, finalement anecdotique, c’est le poids de la société rurale américaine et bien-pensante qui est dénoncé.

Dans le même registre « Amérique profonde », le Pouvoir du chien de Tom Savage est un très bon roman. Deux frères ranchers, Phil (cultivé, sûr de lui, dominateur, assez peu porté sur l’hygiène corporelle) et George (surnommé « Gras-double », père tranquille) voient leur quotidien bouleversé par l’arrivée de Rose, jeune veuve épousée par George et que Phil va immédiatement prendre en grippe. Récit de la lutte acharnée d’un égo monstrueux contre les autres et contre lui-même, il s’agit d’un agréable roman, prenant, dans lequel on s’immerge totalement et avec le délicieux frisson du suspense.

Bref, à cheval, old boy !

Mademoiselle Potiron

Nouvelles histoires du Wyoming et Les Pieds dans la boue, par Annie PROULX, Livre de Poche
Le Pouvoir du chien, par Thomas SAVAGE, 10/18, 368 pages

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