Chers Amis du Potager,
Continuons notre florilège
bibliophile, concocté par Arnaud.
Bon, avouons. Non, je n’ai pas vu
le film Brokeback Mountain. Non, je ne suis pas fan des films sur le thème
« je t’aime mon amour dans l’alpage à mourir ». Rappelez-vous que je
suis une sans cœur. Et que je boycotte Ang Lee depuis qu’il a transformé Hulk
en minet niaiseux (et en Eric Bana).
Du coup, quand Arnaud m’a proposé
de lire quelques nouvelles d’Annie Proulx, je me suis bien marrée in petto.
Sauf qu’il a su piquer ma curiosité en me jurant que les Nouvelles histoires du Wyoming ne contenaient pas une once de
guimauve (à part celle qu’on fait fondre autour du feu de camp, parce que celle-là,
j’aime bien).
Et effectivement, ces Nouvelles histoires du Wyoming ne
respirent pas franchement le romantisme, sauf à considérer qu’une bande de
ranchers dépressifs et portés sur la bouteille (quand ils ne sont pas franchement
imbibés), plus obtus que des gnous et aussi raffinés que du sucre brun sont des
lords Byron en puissance.
Cette bande de loosers
congénitaux apportent une légèreté bienvenue à une réalité économique et
climatique bien plus rude : au Wyoming, à part quelques milliardaires
originaires d’autres Etats, la majorité de la population est constituée
d’éleveurs tirant le diable par la queue dans un paysage superbe mais où soit
le blizzard vous ensevelit sous deux mètres de neige, soit la sècheresse vous accable,
mais toujours (parce qu’il fait des constantes) dans un vent à décorner les
cocus. La nature y est belle, certes, mais cruelle.
Pour pallier un manque de
distractions plus qu’évident (le Wyoming, c’est un peu la Lozère, en beaucoup
moins peuplé et en beaucoup plus grand), on picole, on chasse l’élan et la
femme à forte poitrine, on fait des concours bizarres, et on exhume des
ustensiles d’autrefois (ah, le bon vieux tub, où on pouvait faire trempette).
Quant à Amanda, la barmaid du coin, en plus d’avoir de l’humour, on découvrira
qu’il s’agit d’une femme de tête. Bien, bien. Et les cowboys amoureux, me
direz-vous ?
Il faut en effet savoir que les Nouvelles histoires du Wyoming font
suite aux… Pieds dans la boue (prière
de ne pas chercher la cohérence éditoriale, merci), recueil où se trouve la
fameuse nouvelle aux bergers transis d’amour (« mais ch’suis pas pédé,
moi »). Je m’attendais au pire (mais comme j’ai tanné Arnaud pour trouver
ce scrogneugneu de recueil qui ne pouvait pas s’appeler Histoires du Wyoming et
que c’était les vacances, que voulez-vous, je suis faible), je m’y suis donc
plongée illico.
C’est beaucoup moins drôle que
les Nouvelles histoires, mais plus dense, plus âpre. Les défigurés et estropiés
sont livrés par wagon, les fous de gâchette sont légion et nos deux cowboys
amoureux ne sont pas aussi gnangnan qu’Ang Lee me le faisait craindre. En fait,
ils sont plutôt touchants, parce qu’au-delà de l’histoire d’amour, finalement
anecdotique, c’est le poids de la société rurale américaine et bien-pensante
qui est dénoncé.
Dans le même registre
« Amérique profonde », le Pouvoir
du chien de Tom Savage est un très bon roman. Deux frères ranchers, Phil
(cultivé, sûr de lui, dominateur, assez peu porté sur l’hygiène corporelle) et
George (surnommé « Gras-double », père tranquille) voient leur
quotidien bouleversé par l’arrivée de Rose, jeune veuve épousée par George et
que Phil va immédiatement prendre en grippe. Récit de la lutte acharnée d’un
égo monstrueux contre les autres et contre lui-même, il s’agit d’un agréable
roman, prenant, dans lequel on s’immerge totalement et avec le délicieux
frisson du suspense.
Bref, à cheval, old boy !
Mademoiselle Potiron
Nouvelles histoires du Wyoming et Les Pieds dans la boue, par Annie PROULX, Livre de Poche
Le Pouvoir du chien, par Thomas SAVAGE, 10/18, 368 pages
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