Chers Amis du Potager,
Voici un roman policier, dans la plus pure tradition du genre.
A Londres, dans le brouillard qui règne sur la ville, un mystérieux assassin trucide à tour de bras, et abandonne sur le cadavre encore chaud de ses victimes une carte de visite, portant ces simples mots : « Monsieur Smith ». D’autant plus mystérieux que cet individu paraît à chaque fois s’évaporer littéralement dans la brume. La minute d’avant, rien de signale sa présence, la minute d’après, à peine une ombre furtive. Entre les deux, un meurtre.
Pourtant un petit malfrat l’a aperçu. Pas suffisamment pour l’identifier, non, mais assez pour savoir dans quelle maison il est entré, pour ne plus sortir : une pension de famille, installée au 21 Russel Square, tenue par Mrs. Hobson.
Un peu faible, sans doute. Mais quand Monsieur Julie, professeur au Collège de France et nouveau venu à la pension, que la police approche pour en faire son indic, est retrouvé assassiné dans la maison, le doute n’est plus permis.
L’inspecteur Strickland investit donc ladite pension, et passe au crible chacun de ses locataires, dont le moindre comportement, analysé à la loupe, s’avère troublant.
Il y a là un médecin, un représentant de commerce bègue, un immigré Russe, un prestidigitateur hindou, un ancien de l’armée des Indes. Chacun prend un malin plaisir à incriminer ses voisins de palier, à coup de petits détails qui les chiffonnent.
La narration est extrêmement plaisante, le style agréable. Dans mon souvenir, les dialogues étaient plus percutants dans le film d’Henri-Georges Clouzot, adaptation du roman, mais il se trouve que ce dernier a remanié les dialogues, en y ajoutant une pointe d’humour canaille absente du livre (notamment entre Pierre Fresnais et Suzy Delair).
Quoiqu’il en soit, ce court roman est un chef d’œuvre, pour au moins deux raisons. Si l’astuce employée par Monsieur Smith n’est pas neuve (Agatha Christie l’avait déjà utilisée), elle n’en demeure pas moins parfaitement originale quant à la méthode d’élimination successive des suspects.
En outre, Stanislas-André Steeman, qui en bon Belge aime la plaisanterie, a cru bon d’inviter le lecteur, à la fin du roman, à tirer ses propres conclusions, sur le ton du : « vous en savez autant que moi, concluez donc à ma place ». Cet intermède tout à fait insolite (la réponse à l’énigme est malgré tout exposée à la fin) fait un peu l’impression d’une farce, mais place finalement le lecteur de roman policier face à ses responsabilités. Car, en général, si on lit des romans policiers, c’est (aussi) pour se mettre à la place de l’enquêteur et découvrir qui a fait le coup. Ben là, au moins, c’est dit.
Pour en revenir au film de Clouzot, je vous le conseille hardiment. L’action est transposée de Londres à Paris, Strickland devient Wens, et Monsieur Smith est traduit en Monsieur Durand. Mais cette adaptation a un charme fou, fait rire et frissonner tout à la foi.
Mademoiselle Potiron
L'Assassin habite au 21, par Stanislas-André Steeman, Livre de Poche 187 pages, 4,50 euros
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