lundi 5 septembre 2011

Claude Lévi-Strauss, L'Anthropologie face aux problèmes du monde moderne et L'Autre face de la lune

Chers Amis du Potager,

J’ai un (nouvel) aveu à faire. J’aime Claude Lévi-Strauss. Comme disait Mel Gibson (le Mel d’avant, hein) à propos de Sigourney Weaver, « l’intelligence, c’est sexy ». Ce qui colle parfaitement à mon anthropologue préféré.

A mille lieues des pseudo-intellectuels persuadés qu’un salmigondis émaillé de mots savants de plus de huit syllabes suffira à combler le vide de leur pensée, Claude n’a pas oublié les préceptes de Boileau, conçoit bien et énonce clairement.

C’est d’ailleurs rassurant de constater qu’un des plus grands penseurs de sa génération prend la peine d’exposer ses théories dans une belle langue, précise et lumineuse. Pas bégueule, quoi.

J’aime également les éditions du Seuil pour leurs publications scientifiques de vulgarisation. Grâce à mon amie Michèle, grande physicienne qui a vainement tenté de me faire comprendre, à moi, les proportions stoechiométriques (sans grand succès, malgré des années d’efforts… Désolée, Mimi) et qui n’a jamais désespéré de m’inculquer une certaine culture scientifique, j’ai ainsi découvert les œuvres d’Edouard Launet, les hilarants « Au fond du labo à gauche » (consacré aux expériences les plus farfelues, parfois récompensées d’un IG Nobel) et « Viande froide cornichons » (consacré… à la médecine légale), que le Seuil diffuse sans vergogne.

C’est donc avec joie que j’ai envisagé l’édition par le Seuil (ben, oui, quoi, faut suivre) de deux ouvrages de Lévi-Strauss : l’Anthropologie face aux problèmes du monde moderne, et l’Autre face de la lune, sous-titré Ecrits sur le Japon.

Ces deux courts recueils de conférences font un bien fou. Parce qu’il replace l’homme (et la femme) dans une perspective mondiale, loin du nombrilisme occidental, Lévi-Strauss offre des pistes de raisonnement, ouvre de nouvelles perspectives face aux difficultés née de la modernité de notre époque, de ses capacités scientifiques et aux problèmes de bioéthique.

Dans une réflexion détaillée sur la perception juridique, biologique et sociale de la parentalité (un de ses dadas), il sort la filiation de l’écueil de la vérité génétique, ouvrant la voie à d’autres représentations familiales, où hommes et femmes confondent leurs rôles traditionnels, où la famille offre des contours mouvants, symboliques, où les liens tissés par les enfants sont maintenus par-delà les statuts sociaux.

L’amour de Lévi-Strauss pour le Japon, déjà évoqué dans l’Anthropologie face aux problèmes du monde moderne, apparaît au grand jour dans l’Autre face de la Lune. Amour de jeunesse, puisque que Raymond Lévi-Strauss offrait au jeune Claude encore enfant, en guise de récompense, des estampes japonaises qui fascinaient son fils.

S’en est suivie une passion constante, même si lointaine, puisque l’anthropologue, qui avait déjà parcouru le monde, n’a posé le pied sur l’archipel qu’en 1977, à près de soixante-dix ans. Ses réflexions sur le dynamisme de ce pays, sa culture, son appréhension par les occidentaux (notamment l’apport de Ruth Benedict, auteure du Chrysanthème et le Sabre, à la politique d’occupation américaine – critique à venir !) sont passionnantes et révèle une personnalité curieuse, érudite et humble.

Je vous recommande donc chaudement ces deux ouvrages, même si les sciences humaines ne sont pas votre tasse de thé (matcha).

Mademoiselle Potiron 

L'Anthropologie face aux problèmes du monde moderne, et L'Autre face de la lune (écrits sur le Japon), par Claude LEVI-STRAUSS, Le Seuil, collection La Librairie du XXIe siècle, 146 pages pour 14,50 euros, et 181 pages pour 17,50 euros

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