Chers Amis du Potager,
Si le titre de cet ouvrage fait plutôt « bien pensant et patriote », surtout associé au drapeau US sur la couverture Totem des éditions Gallmeister, ce récit de Tim O’Brien est loin de se résumer au manuel du parfait petit soldat.
Au contraire.
A l’âge de 22 ans, Tim O’Brien a été envoyé au Vietnam, comme tant d’autres jeunes Américains, pour défendre une idéologie à laquelle il ne croyait guère. De ces deux années à crapahuter dans une jungle hostile, il a tiré nombre de romans, dont celui-ci, couronné du Prix Pulitzer.
Il s’agit d’un recueil d’histoires, particulièrement troublantes en ce qu’elles sont en réalité de la métafiction. C’est-à-dire que Tim O’Brien y mêle à la fois des souvenirs personnels et des anecdotes imaginaires.
Partant du principe que la fiction vraisemblable s’approche parfois davantage de la réalité pure et dure que les faits bruts eux-mêmes, il nous entraîne dans l’enfer de la guerre avec ses camarades de combat, les présentant tour à tour au fil des pages, avec leur passé, leur avenir, leur mort.
Il ne s’agit pas à proprement parlé d’un récit « tagada-tsoin-tsoin », loin de là, mais, si on sent parfois percer la colère sous les phrases stylées, ou une nostalgie latente, c’est loin d’être larmoyant, même si émouvant.
J’ai bien l’impression de ne pas rendre justice à l’auteur, là, mais c’est un récit qu’il faut lire, apprécier avec sa sensibilité propre. Pour ma part, au-delà de la part de fiction, indéterminable, je l’ai trouvé infiniment juste. Et humain.
L’histoire par laquelle s’ouvre le livre est d’ailleurs parlante. The things they carried a d’ailleurs été sélectionnée par Joyce Carol Oates dans son anthologie de la nouvelle américaine, publiée chez Oxford. O’Brien y liste les objets, divers et variés, que lui et ses compagnons ont pu transporter dans leurs bardas, allant des éléments les plus logiques (pour un temps de guerre), comme armes et munitions, aux choses les plus futiles, comme les bonbons ou une paire de bas. On y apprend d’ailleurs que les GI étaient régulièrement ravitaillés, à grand renfort d’hélicoptères qui emportaient blessés et cadavres après avoir déposé les colis demandés, comme un bon vieux facteur. Elle résume à elle seule toute l’absurdité, le cocasse et la dureté de la situation.
L’équipe de l’auteur, de jeunes hommes dépassés par les événements mais conscients de leur rôle (une pensée pour le lieutenant Jimmy Cross et « Rat » Kiley), dont les têtes tombent les unes après les autres, et continuent de tomber après même que la guerre soit finie, forme une véritable famille, bourrue mais affectueuse, dont il ne fait pas bon être exclu. Et qui est capable d’entraîner en son sein jusqu’aux innocentes jeunes filles qui finissent par se lier indéfectiblement avec les bérets verts, comme Mary Anne Bell.
Entrecoupées de récits portant sur des événements plus récents (dont un retour sur les lieux pour Tim et sa fille Kathleen), de réflexion sur l’écriture (qui développent d’ailleurs cette notion de métafiction), toutes ces histoires sonnent et tombent juste. Elles sont puissantes, justement par le flou qu’elles entretiennent sur leur réalité, parce toutes peuvent être vraies. Ou pas. Ou peu importe.
Mademoiselle Potiron
A propos de courage (The Things they carried), par Tim O'Brien, Gallmeister, collection Totem, 272 pages, 9 euros
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