lundi 14 novembre 2011

Günter Grass, Mon Siècle

Chers Amis du Potager,

Cet ouvrage, tellement chaudement recommandé par ma Nectarine qu’elle n’a pas hésité à me l’offrir (est-elle choupinette), n’a pas moisi longtemps dans ma PAL, à la différence du Tonneau. Mais, comme le Tonneau, j’ai aimé.

Son sujet d’abord :

Cent années d’histoire allemande, de 1900 à 1999. Or, quel pays peut donc se vanter d’avoir connu un XXe siècle aussi agité que l’Allemagne ? Deux guerres mondiales, et ses deux ruines subséquentes, la chute d’un empire, l’une des pires dictatures au monde, une crise économique, le développement d’entreprises encore aujourd’hui florissantes, une partition injuste et brutale, une réunification tout aussi brutale et pas toujours juste, une modernité débridée mais pleinement assumée, une évolution de la famille, de la condition féminine, de la société.

Je ne crois pas qu’aucun Etat ait connu autant de bouleversement en une période aussi brève (un siècle, même à l’échelle historique, ce n’est pas grand-chose, même si le XXe a été particulièrement dense).

Son parti pris, ensuite :

Chacune de ces années est racontée par l’un de ses témoins privilégiés : personnages publics ou inconnus, hommes ou femmes, enfants ou vieillards, riches ou pauvres, paysans ou citadins, cultivés ou illettrés.

A l’exception des deux guerres mondiales.

Les quatre années de la première guerre donnent lieu à un dialogue entre Ernst Jünger (dont il me reste à lire Orages d’acier) et Erich Maria Remarque (dont je dois lire A l’ouest rien de nouveau. Oui, je sais, j’ai encore du pain sur la PAL), qui opposent leurs visions du conflit et leurs souvenirs en déjeunant dans la tranquillité un peu trop sage de la riviera suisse.

Les six années de la seconde son évoquées à l’occasion d’un colloque de journalistes, anciens propagandistes, réunis sur une île de la Mer du Nord ravagée par une tempête, et qui se remémorent, en les minimisant, leurs faits d’armes, passé que la bonne conscience des années 50 se doit de faire disparaître dans les limbes de la respectabilité.

La petite histoire croise la grande. Un traitement identique la place d’ailleurs sur un pied d’égalité. Des pans insoupçonnés de cette histoire (surtout pour les Français pour qui les Allemands, au cours de ce siècle tourmenté n’ont pas toujours été les meilleurs amis) nous sont découverts.

Son style :

C’est tour à tour drôle (le kaiser s’époumonant à abattre un à un les arbres de sa retraite néerlandaise), émouvant, ironique, poignant, sensible. L’écriture est fine, et réussit la prouesse d’être, à chaque fois, imprégnée de la personnalité du narrateur, si différent soit-il de son prédécesseur ou de son successeur.

C’est aussi, et peut-être surtout, une belle déclaration d’amour que Günter Grass adresse à son pays, malgré ses défauts, ses vilenies, ses infamies (les récits des années de guerre sont implacables d’hypocrisie). Parce qu’une tendresse est toujours présente, notamment à l’égard des femmes, mères, sœurs, filles et épouses, qui ont su relever le pays par leurs efforts et remonter leurs hommes, que ce soit en se livrant au marché noir en  1945 ou en réclamant une pension de retraite à Volkswagen.

Une très belle lecture, pour tous ceux qui sont curieux du voisin germanique. Et les autres aussi.

Mademoiselle Potiron
Mon Siècle (Mein Jahrhundert) par Günter GRASS, 1999, Points 357 pages, 7,50 euros

1 commentaire:

  1. Ah, mon potiron, si tu savais comme je suis contente que ce livre ait été à ton goût! C'est comme un hymne à la gloire de l'Allemagne, dans toute sa splendeur, mais aussi dans toute son horreur. Et comme tu le dis si bien, tant de choses ont été vécues en un siècle...Imagine "Mon siècle" basé en Suisse: 100 ans de... rien! De Röstigraben, de votations où les conservateurs triomphent, et où l'étroitesse d'esprit des masses suisses-allemandes s'épanouit gaiement...100 ans de crétinitude (G. García Marquez aurait pu choisir ça comme titre...ça l'aurait fait!)
    Bref, à moi qui suis amoureuse pour l'éternité de Berlin, tes mots me font chaud au coeur!
    Pour rester dans la littérature teutonne, je ne peux que te conseiller un auteur qui, petit à petit, commence à faire parler de lui sur la scène internationale: David Safier. "Jésus m'aime" m'a fait hurler de rire, et "Maudit karma" est déjà un classique outre-Rhin. "Sors de ce corps, William" (pour Shakespeare) est dans ma PAL. Bon, moi je les lis en VO, mais si la traductrice n'est pas une quiche dans sa profession, tu riras aussi. Ça se lit tout seul, c'est frais, c'est drôle, et les héros(ïnes) se retrouvent embarqué(e)s dans des histoires folles. "Jésus m'aime" raconte ainsi l'histoire d'une jeune femme qui succombe au charme de son charpentier qui n'est autre que JC (Jésus Christ, pas Jean-Claude!) redescendu sur terre. Du coup, qu'elle se demande: comment on dragouille le Christ?? Moi j'ai ri, mais j'ai ri...
    Vive la littérature allemande forever!!

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