Chers Amis du Potager,
Attention ! Roman noir. Très noir. Et pas seulement parce que son action se déroule en Afrique du Sud et que son héros appartient à l’ethnie zouloue.
Au Cap, à quelques mois de la coupe du monde football qui rend les autorités plus que fébriles, une jeune fille blanche, de très bonne famille (papa est un springbock), est retrouvée assassinée dans le jardin botanique de Kirstenbosch. Les conditions de son meurtre sont particulièrement atroces, la donzelle ayant été frappée à mort au point de n’avoir plus qu’une masse informe et sanguinolente en guise de visage.
Voilà. Vous n’avez pas encore vomi votre petit déjeuner ? OK, alors je continue.
Il se trouve que dans le sang de la victime, on découvre une nouvelle drogue, dérivée du tik, mais à laquelle on a ajouté d’autres molécules inconnues, qui rendent ses effets proprement dévastateurs : rage sanguinaire d’une violence inouïe.
C’est le commissaire Ali Neuman, chef du département criminel, qui est chargé de l’enquête. Pour préciser les choses, enfant, il a vu son père militant pendu, après moult sévices, et son frère aîné brûlé vif (après qu’on a enflammé un pneu enroulé autour de son cou. Charmant) par des afrikaners un chouia racistes.
Encore là ?
Bon, vous l’aurez voulu.
Je n’en dirai pas plus sur l’enquête, très bien ficelée, très prenante. Une vraie réussite que cette intrigue contemporaine mais ancrée dans la culture sud-africaine (l’évocation des traditions guerriers zouloues rappelle plus Chaka que Johnny Clegg, même si j’aime bien Johnny Clegg).
Sachez seulement que, si certaines bloggeuses s’étaient interdit de lire l’Obscure mémoire des armes pour trois pages rappelant les sévices subis par les opposants à la Villa Grimaldi, là, on atteint un degré largement supérieur.
Diaz-Eterovic, grâce à l’élégance très littéraire de sa plume, parvient à maintenir une certaine distance avec les tortures chiliennes. Caryl Férey, lui, par son écriture incisive et particulièrement efficace, ne laisse aucune échappatoire à la violence qui parcourt ce roman très dense.
Pour tout dire, même moi, qui suis réputée pour mon cœur de pierre (voir Maître Mô) et mes nerfs d’acier (malgré tous les morts du Livre sans Nom, même pas peur), n’ai pu m’empêcher de ressentir un léger malaise à la lecture de la scène de la plage. Bon, faut dire que je l’ai lu à 3 heures du mat’, au cours d’une insomnie (riche idée). Ben il m’a fallu quelques pages de Borges pour m’ôter cette scène, réaliste en diable, de la tête.
Néanmoins, cette violence fait partie prenante de l’histoire du livre et de l’Histoire de l’Afrique du Sud. Elle n’est pas là simplement pour aguicher le lecteur tarantinophile. Elle a son rôle à jouer, au-delà de la seule intrigue, car Caryl Férey a produit un roman très documenté sur les années d’apartheid et le changement social qui a suivi.
Et tout n’y est pas qu’horreur. Brian, malgré (grâce à) sa nonchalance désabusée, apporte une touche d’humour léger. Et Josephina, la mère d’Ali, est un personnage solaire.
Et puis même si l’auteur est français, il n’a pas essayé de « faire l’Américain », prouvant ainsi que l’on peut écrire un thriller plus qu’efficace sans perdre son identité.
Bref, un coup de cœur pour cœurs bien accrochés.
Mademoiselle Potiron
Zulu, par Caryl FEREY, Folio Policier 2008, 455 pages, 7,80 euros
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