Chers Amis du Potager,
Pas de photo de la couverture aujourd'hui, les éditions 10/18 boudent...
Flatland est un curieux petit essai, déniché dans une bourse aux livres, qui se place à mi-chemin entre l’opuscule mathématique et le récit de science-fiction.
Rédigé en 1884, par un carré (si, si), il offre une vision quasi-ethnographique de Flatland, pays en deux dimensions, comme son nom l’indique.
Le narrateur commence par nous en présenter les habitants, des formes géométriques strictement hiérarchisées du banal triangle imparfait au cercle le plus pur, et de la façon dont ils s’identifient les uns les autres. Parce que dans un monde en deux dimensions, tout le monde ressemble à une droite.
Plaît-il ? C’est tout simple. Placez un cerceau sur une table. Vu d’en haut, c’est un cercle. Abaissez votre regard au niveau de la table, comme si la troisième dimension n’existait pas, et vous ne verrez de votre cerceau qu’une ligne droite.
Alors nos figures ont développé des techniques pour identifier leur interlocuteur, allant du toucher à la ligne de fuite de la droite en question dans le brouillard flatlandien (dit comme ça, voilà, mais je vous assure que c’est très intéressant, même pour les non-matheux). Pas simple au quotidien.
Du coup, nos figures ont tenté la révolution chromatique. Vite matée avec l’appui des femmes, ces droites si aiguisées qu’elles en sont dangereuses (on a vite fait d’éborgner un dodécagone, ma pauv’dame).
Il nous présente également cette hiérarchie si stricte, où la multiplication du nombre de côtés tient lieu d’aristocratie et où à chaque figure correspond une caste (des soldats et ouvriers triangulaires aux prêtres circulaires), les possibilités de promotion sociale, l’architecture locale (assez plane, il faut le dire), en partie inspirée par les curieuses relations hommes-femmes.
Mais la révolution, pour notre carré, viendra de l’irruption dans son existence d’une sphère. Un objet en trois dimensions. Inconcevable pour un Flatlandien.
Et pourtant, la sphère, une fois dépassée l’incompréhension initiale, va lui ouvrir de nouveaux horizons.
Ce court récit, inspiré par la géométrie (une fois encore, amis littéraires qu’un cosinus rend malades, c’est accessible même aux pommes en mathématiques), rédigé dans une langue élégante et agréable, est plus proche de l’allégorie platonicienne que de la trigonométrie.
Tour à tour dénonciation de la pensée unique, de l’obscurantisme, de la tyrannie intellectuelle, de la condition sociale, Flatland permet aussi de se poser des questions sur nos conceptions spatio-temporelles (après la 3e dimension, notre carré s’interroge sur la suite logique, et évoque une 4e, une 5e, une 6e dimension, et ainsi de suite) et notre rapport à notre environnement.
J’ai peut-être l’air d’insister lourdement, mais c’est réellement une jolie trouvaille, plaisante à lire, instructive, et qui ouvre des perspectives, en quelques heures seulement.
Mademoiselle Potiron
Flatland, par Edwin Abbott ABBOTT (eh oui...), 10/18 Domaine Etranger 1884, 157 pages
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