Chers Amis du Potager,
Les lecteurs habituels de Ramon Diaz-Eterovic sont sans doute familiers de son héros récurrent, le détective Heredia. Pour les autres, une rapide présentation s’impose : Heredia, la cinquantaine encore verte, est détective privé à Santiago, au Chili. Vivant dans un quartier populaire, il attend le client en lisant les ouvrages de choix de sa bibliothèque (polars de qualité, ouvrages philosophiques, recueils poétiques), en squattant le kiosque tenu par son ami Alfonso avec qui il partage l’amour des courses hippiques, en dînant avec la jolie Griseta (son amoureuse à temps partiel) ou en ayant de longues discussions avec Simenon, son chat, bavard et sarcastique.
En ce printemps chilien, Griseta lui présente une amie Virginia, dont le frère German est mort récemment, tué à la sortie du magasin de bricolage où il travaillait. Pour la police, il s’agit d’un drame malheureusement commun, un vol ayant mal tourné. Seulement voilà, Virginia ne se satisfait pas d’une solution aussi simple.
German, très secret, avait en effet pour particularité d’avoir été interné à la Villa Grimaldi, haut lieu de la dictature de Pinochet, où les militaires se livraient à des séances de tortures sur les opposants. Ce passé traumatique, German avait décidé de l’exorciser en traquant les anciens tortionnaires, afin de les faire comparaître en justice.
Heredia, peu convaincu (mais que ne ferait-il pas pour Griseta ?), s’engage donc dans cette enquête difficile, sans autres indices que les témoignages des proches et collègues de German.
La dictature chilienne a laissé bien des traces, et le devoir de mémoire perdure au travers de la littérature locale. Sepulveda, autre Chilien de bonne renommée, avait lui aussi évoqué les années noires dans certaines de ces nouvelles (que je vous recommande au passage).
L’approche de Diaz-Eterovic, pour être plus policière que purement testimoniale, n’en constitue pas moins une dénonciation virulente, non seulement des crimes de la dictature, mais plus encore peut-être de l’hypocrisie actuelle, qui détourne les yeux lorsqu’on rappelle les atrocités commises, et où les tortionnaires, après s’être racheté une virginité, font les beaux jours de la politique locale, entre corruption et malhonnêteté.
Heredia, au milieu de cette ambiance lourde, offre une image sympathique, humaine et drôle. Ses dialogues avec Simenon ajoutent une touche de légèreté bienvenue, et son ami Alfonso est une véritable perle. Ses rencontres avec son concierge sont l’occasion pour le lecteur d’améliorer ses chances au scrabble en casant la lettre X (pour le pourquoi du comment, il faudra lire !).
Ce qui ne gâche rien, l’intrigue est très bien faite, prenante, le style très agréable, punchy sans trop en faire, avec une belle poésie (on sent que l’amour de Heredia pour les poètes est partagé avec Diaz-Eterovic). Les passages sur la Villa Grimaldi sont durs, mais supportables.
Et la couverture est ma-gni-fi-que (avis purement personnel, mais partagé par nombre d’amis des chats).
En bref, un roman que je recommande chaudement, pour découvrir la littérature policière sud-américaine.
Un grand merci donc à ma « dealeuse » préférée de livres de qualité, mon exquise Japonaise, pour cette jolie découverte. Il ne me reste plus qu’à lire les autres volumes dont Heredia est le héros.
Mademoiselle Potiron
L'Obscure mémoire des armes (la Oscura memoria de las armas), par Ramon DIAZ-ETEROVIC 2008, Métailié Noir, 279 pages, 19 euros
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