Chers Amis du Potager,
Arnaud est décidément un gentil libraire. Suite au changement de distributeur entrepris par les éditions l’Âge d’Homme, il devient difficile de se procurer certains de leurs titres. Mais rien n’arrête un libraire digne de ce nom, et Arnaud s’est donné du mal pour me fournir ma dose de vieille Anglaise (merci encore à lui). En l’occurrence, un Margery Allingham de derrière les fagots, qui méritait le détour.
Albert Campion (ce cher Bertie… Tiens, j’ai un truc avec les Berties, moi, entre Campion et Wooster, ça mériterait une analyse) a une jolie cousine, veuve de guerre, qui entend se remarier avec un charmant jeune homme un peu taiseux, Geoffrey. Seulement voilà, Meg reçoit depuis quelques semaines des photographies de Martin, le mari disparu. Chantage ? C’est ce que croit Bertie, qui organise donc une rencontre à la gare, en compagnie de l’inspecteur Luke (qui a pris de l’ampleur depuis les cercueils du beau-frère de Lugg).
Hélas, en guise de capitaine Martin Elginbrodde, nos deux limiers se retrouvent avec dans les pattes le Fringueur, un acteur raté, repris de justice au bec de lièvre dissimulé par une fausse moustache destinée à le faire ressembler au défunt. Et le Fringueur refuse de parler, terrorisé par son commanditaire.
A raison, visiblement, puisqu’à peine relâché par le Yard, le Fringueur est retrouvé mort dans une ruelle, Geoffrey disparaît et les cadavres se ramassent à la pelle. Voilà de quoi rendre notre inspecteur Charlie Luke bien grognon.
On suit donc l’enquête sur ces meurtres, sur le lien avec le chantage sur Meg et les vieilles histoires de famille, entre les réflexions d’Albert, les rondes de Luke et les commentaires du Chanoine Avril, le tonton de Bertie et le papa de Meg. Les personnages secondaires sont tout à fait délicieux (au sens littéraire du terme, hein, parce que les escrocs estropiés de la fanfare de rue, ou l’usurière ne sont pas ce qu’on pourrait appeler des gens charmants).
Tout cela participe à une ambiance gloomy à souhait, dans un Londres noyé dans un brouillard épais et malsain, qui ravira les amateurs du genre (dont je suis, naturellement). Et qui explique le titre original du roman (the tiger in the smoke).
Rassure-toi néanmoins, Cher Potagerophile, l’humour propre à Mrs. Allingham est bien présent, les farfelus ne font pas défaut, et on en trépigne dans son fauteuil (ou dans tout autre endroit où il te plaît de te livrer à ce vice qu’est la lecture).
C’est précisément ce qui fait le charme de ces romans. De l’alternance des passages dramatiques (et vraiment dramatiques, hein, pas de la petite bière) et des moments plus légers, des passages consacrés aux réflexions et de ceux consacrés à l’action, naît une tension dans le texte, une accélération du rythme narratif, qui tient le lecteur en haleine, sans l’ennuyer ni le noyer sous les informations relatives à l’enquête.
Et puis le charme des personnages récurrents agit toujours : le calme de Bertie, la pétulance d’Amanda, le langage de charretier de Lugg, entre autres. Même les morts ont du charme et le portrait de Martin est à la fois tendre et poignant.
So British. So chic. As usual.
Mademoiselle Potiron
La Nuit du Tigre (the Tiger in the smoke), par Margery ALLINGHAM, Äge d’Homme, 246 pages, 19 euros
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