vendredi 6 avril 2012

Jules Verne, L'Oncle Robinson


Chers Amis du Potager,

Comme vous le savez tous, je suis une quiche en sciences. Quel rapport avec ce blog littéraire, me direz-vous ? Et bien, le rapport, c’est que, du coup, je n’aime pas trop Jules Verne.

A de rares exceptions près, j’avoue que ses récits sont trop envahis par une science un chouia pédante. Et que ce doit être le seul auteur à faire d’un ingénieur métallurgiste le héros de ses histoires. Je n’ai rien contre les ingénieurs (surtout quand il s’agit de The Famous Mimi), mais leur coefficient de glamour est souvent limité.

Mais quand Gentil Libraire me propose un livre gratuit (offert pour l’achat de deux autres volumes du même éditeur), et que j’ai le choix entre « Les Ravages de la Passion », « Pour l’amour du chirurgien au torse velu » et L’Oncle Robinson, du susdit Jules Verne, eh bien je n’hésite pas longtemps et Julot finit dans mon cabas (à propos, petit aparté destiné aux éditeurs : quand le livre offert n’est pas le début d’une série – parce que là, l’argument commercial est logique – pourquoi est-ce que les livres offerts sont-ils toujours des navets littéraires ? Un besoin farouche d’épuiser les stocks d’invendus ?).

Bref, l’Oncle Robinson est en réalité appelé Flip. Marin français américanisé, il vient au secours d’une brave mère de famille, bien douce et bien dévote, et de ses quatre enfants (tous des anges, bien entendus) que le second du bateau, infâme mutiné, à mis à l’eau dans une chaloupe, pendant que le mari de l’infortunée est séquestré avec son chien et qu’on s’attend à une mise à mort. Flip secoure donc la veuve et les orphelins débarqués sur un îlot désert.

Je vous rassure tout de suite : toute la nourriture sur l’île est comestible, la seule allumette s’enflammera bien et tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes.

L’aventure est bucolique, et on se prend à rêver à s’installer soi-même sur une île déserte (ça à l’air si simple). Le style est assez plaisant, quoiqu’un peu désuet, et suffisamment fluide pour qu’on ne s’y ennuie pas.

Mais c’est surtout plein de bons sentiments (chrétiens), un rien misogyne (Mrs. Clifton n’est décrite que comme une épouse, une mère et surtout « la ménagère », qui ne rêve que de savonnettes et d’un coquet intérieur), et d’un manichéisme assez primaire (les méchants mutins, les pauvres enfants). Même l’orang-outang (ou assimilé) adopté par la famille est trop beau pour être vrai.

A part ça, à peine installé, on s’extasie d’arriver à confectionner de la liqueur (c’est vrai qu’avec de l’alcool, la vie au grand air est plus folle) et du tabac. Cirrhose et cancer du poumon, c’est l’idéal d’un retour à la nature. Bref.

En plus, nos colons s’ingénient déjà à faire un joli massacre de la faune et de la flore locale, détournent les cours d’eau et abattent les arbres pour faire des routes (je précise qu’ils n’ont pas le début du commencement d’un quelconque véhicule). Et c’est un jour béni que celui où la découverte du salpêtre leur permet de fabriquer de la poudre à essayer sur leur pistolet. On se croirait à un congrès de la NRA.

Je n’aime pas trop Rousseau (trop geignard pour moi), mais là, je trouve l’invasion de la civilisation dans cette île qui n’avait rien demandé à personne, un peu brutale. Et puis recommencer une nouvelle vie en débutant par la destruction de tout un écosystème, c’est un concept très moyen, je trouve.

Comme disait Marcel Pagnol, « méfiez-vous des ingénieurs, ça commence par la machine à coudre, et ça finit par la bombe atomique ».

Mademoiselle Potiron

L’Oncle Robinson, par Jules VERNE, Livre de Poche

1 commentaire:

  1. Bonsoir,

    Travaillant actuellement sur Jules Verne dans le cadre de mon mémoire de recherche de master 1, j'en suis venu (je ne sais comment) à consulter cette critique acerbe de L'Oncle Robinson.
    Si il n'est de toute évidence pas l'un des meilleurs romans de Jules Verne - c'est une ébauche de la première partie de L'île mystérieuse et une de ses premières robinsonnades qui a notamment été refusé par son éditeur qui jugeait l'action trop lente et les personnages trop fade - votre critique me paraît tout à fait injuste.
    Il faut considérer toute production littéraire en fonction de son contexte socio-culturel: la robinsonnade, en tant que genre littéraire, n'est que réécriture et reprise d'idéologies, de clichés et de valeurs relatives à une époque.
    De plus, c'est un roman d'aventures, donc originellement destiné à la jeunesse, ce qui explique le caractère très schématisé des personnages, soit bons soit méchants, et le rôle très réducteur de la femme (qui n'a certes jamais un excellent rôle dans les oeuvres de l'auteur).
    La robinsonnade relate la reconstruction de la société humaine et décrit "l'étranger" en s'apparentant au récit de voyage, d'ou l'aspect utopique de cette aventure.
    Le XIXe siècle, marqué par de véritables progrès techniques et scientifiques, est le siècle de l'établissement d'empires coloniaux: thème que l'on retrouve presque toujours dans la robinsonnade et dans le roman d'aventures. L'homme est ici le colon blanc, qui apporte avec lui la civilisation.
    Notez que Jules Verne était farouchement opposé à la chasse et qu'il craignait énormément l'impact grandissant des sciences et de l'homme sur la terre.

    Navrée pour cette petite leçon "pédante", mais j'espère que cela vous permettra d'avoir l'esprit un peu plus ouvert et de ne pas juger un écrit hors de son contexte historique.

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