vendredi 6 avril 2012

Catherine Lépront, Esther Mésopotamie


Chers Amis du Potager,

Dans une de ses dernières éditions, Télérama présentait le dernier ouvrage paru de Catherine Lérpont, l’Anglaise (lequel figure d’ores et déjà dans ma LAL). Comme Télérama fait bien les choses, pour faire pendant à ce grand format, son rayon poche suggérait avec enthousiasme la lecture d’un autre de ses roman, sorti en poche, Esther Mésopotamie.

Un nom charmant, qui évoque non les attentats bagdadis ni la répression syrienne, mais les fouilles archéologiques à l’époque où la région était encore pacifiée, les blanches maisons se découpant sur le bleu du ciel et l’or du sable, les bougainvilliers en fleur et Hercule Poirot piétinant dans la poussière (songez à Meurtre en Mésopotamie, Rendez-vous avec la mort, par exemple).

En réalité, l’histoire qui nous occupe se déroule bien loin du Tigre et de l’Euphrate, dans un immeuble situé au 161 d’une rue parisienne du XVe arrondissement. L’immeuble est le cadre d’un triangle amoureux insolite, long de vingt ans, entre la gardienne de l’immeuble, Anabella Santos João, immigrée Cap-Verdienne haute en couleur, la narratrice, traductrice dissimulatrice et boiteuse, et l’objet de leur adoration complice, Osias Lorentz, éminent spécialiste de la culture moyen-orientale antique.

Un banal triangle amoureux, me direz-vous ? Nenni. Catherine Lépront est bien plus subtile que cela. L’amitié qui lie la narratrice à Osias est purement platonique, et Miss Ana a des réflexes de mère attentive avec son archéologue vénéré.

Surtout qu’Osias évoque régulièrement une autre femme, dont il retrouve quelque chose dans chacune de ses conquêtes, qui le hante et le ravit. Lassée de l’appeler « elle », la narratrice finira par lui donner un nom Esther Mésopotamie. Attisant la jalousie de Miss Ana, qui se met à appeler Esther tout ce qui est désagréable (comme dans : je dois aller balayer les esthers sur le trottoir, ou dans : le chien du voisin a encore fait une esther sur le paillasson). 

Or voilà qu’Osias, qui allait et venait constamment entre le 161 et d’autres destinations plus exotiques, qui ne restait jamais plus de quelques semaines dans son appartement du 5e étage qu’un vestibule sépare du studio où travailla la narratrice, Osias, donc, ne repart plus. Une sorte de discrète panique s’empare alors de nos deux adoratrices, prétexte pour la narratrice à nous raconter, au fil d’anecdotes, sa relation avec Miss Ana et Osias.

Pour connaître le fin mot de l’histoire, la raison de l’enracinement soudain d’Osias, il vous faudra lire jusqu’au bout.

Je ne peux d’ailleurs que vous y inciter lourdement.

L’écriture de Catherine Lépront (Française et vivante, deux qualificatifs pourtant rédhibitoires pour moi ordinairement) est d’une admirable fluidité (au point d’intégrer systématiquement les parties dialoguées au cœur du récit). Plus encore, elle est élégante, poétique et très drôle, sans se départir de sa finesse.

L’histoire est très belle, les personnages très attachants, spirituels et généreux. Servie avec bonheur par le style envoûtant de Catherine Lépront, on ne peut que dévorer ce court roman, et regretter de ne pas fréquenter, nous aussi, le 161, pour rencontrer Esther, Miss Ana, la narratrice et Osias.

Mademoiselle Potiron

Esther Mésopotamie, par Catherine LEPRONT, Points 216 pages, 6€

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