Dazai Osamu est un grand nom de la littérature japonaise.
Né dans une riche famille de la région d’Aomori (ville du nord de l’île principale de l’archipel, séparée d’Hokkaidō par le détroit de Tsugaru), Dazai est rapidement parti faire ses études à Tōkyō, où un mal-être continuel va marquer son existence.
Le début de la fin commença avec l’abus d’alcool (ce qui semble avoir été de tradition dans sa famille où ses frères n’hésitaient pas à se descendre un petit sake), la fréquentation des geishas et, pire que tout pour sa famille, celle du parti communiste. Sa réussite aux examens sera compromise par un manque total d’assiduité aux cours, Dazai privilégiant l’écriture à l’étude. Après quelques arrestations qui le feront renier par sa famille, Dazai s’enfonce peu à peu dans la misère.
Ses relations chaotiques avec les femmes se traduisent par un double suicide (raté pour lui, pas pour la jeune serveuse qui l’accompagnait), plusieurs autres tentatives (en variant les plaisirs : pendaison, médicaments, noyade).
Pour dire que la vie de Dazai n’est pas simple, peu après sa tentative de pendaison, il souffrira d’une crise d’appendicite compliquée en péritonite qui manquera de le laisser sur le carreau, mais surtout le rendra dépendant à la morphine (qui précipitera sa ruine, bien entendu, et lui gâtera les dents).
Après une cure de désintoxication (pendant laquelle sa première femme le trompera avec un peintre, entraînant un divorce), Dazai arrêtera la morphine (pas l’alcool), se remariera et tentera de reprendre une activité d’écrivain mieux réglée, destinée non à lui apporter la richesse, mais lui éviter de tirer perpétuellement le diable par la queue.
Viendra ensuite la guerre (à laquelle il échappe, la tuberculose lui épargnant la conscription), la destruction de sa maison de Tokyo (par deux fois), les bombes incendiaires lâchées sur la ville de sa belle-famille, où il a trouvé refuge, pour finalement rejoindre la maison familiale dans le nord.
Pourquoi vous raconter tout cela ? Parce que la vie de Dazai lui servira de base pour nombre de ses nouvelles, pour la plupart autobiographiques, réunies dans le recueil Cent Vues du Mont Fuji.
Et que cette accumulation de poisse et de malheurs divers ne doit pas vous rebuter. Parce que l’écriture de Dazai est joyeuse, pleine d’autodérision (y compris dans ce qu’elle a de plus tragique), sensible, nous dépeignant un personnage que ses nombreux défauts pourraient rendre antipathique mais que sa profonde honnêteté intellectuelle rend attachant.
Parce que malgré les addictions diverses, les mœurs dissolues, la douleur qui le saisit régulièrement, Dazai est aussi une bonne poire, qui achète des rosiers alors qu’il sait être victime d’une vente forcée, qui s’inquiète pour la grave conjonctivite qui affecte sa fille alors que les bombes incendiaires ravagent la ville, qu’il joue les oncles pour les servantes d’auberges, qu’il veille scrupuleusement son frère à l’agonie, qu’il finit par s’attacher à un jeune chien malgré la peur que ces bêtes lui inspirent.
Tout ceci pour dire que Dazai gagne à être connu, et que ce recueil vous y aidera grandement.
Pour ceux qu’un recueil effraie, sa nouvelle La Femme de Villon a été récemment rééditée. Il s’agit de l’histoire d’une jeune femme dont le compagnon, ivrogne patenté, lui attire bien des problèmes, jusqu’à ce qu’elle décide de prendre les choses en mains. Court mais dense, une quête, sinon du bonheur, du moins de la tranquillité, malgré la déchéance.
Mademoiselle Potiron
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