vendredi 6 avril 2012

Madoka Mayuzumi, Haïkus du temps présent


Chers Amis du Potager,

Comme la plupart des occidentaux qui se piquent de littérature japonaise, j’ai un faible pour le haïku. Je sais bien que c’est assez convenu, mais que voulez-vous, personne n’est parfait (bon, j’aime aussi d’autres types de poésie orientale : tanka, senruy,… faut pas croire…).

D’habitude, le haïku, c’est chouette mais un peu mystérieux. Si certains sont assez classiques dans leur thème (pleine lune, grenouille à la mare, pousse du bambou et autres thèmes « nature »), d’autres se réfèrent davantage à des anecdotes dont le fin mot est ignoré du lecteur.

Cela ne gâche pas le plaisir qu’il y a à se laisser porter par la poétique de la phrase, et, pour beaucoup, cela conserve au haïku le caractère sibyllin qui fait son charme.

Que penser alors des haïkus dont le contexte est explicité ?

Et puis le haïku, c’est classique en diable. Tout ce qui est postérieur à Soseki fait figure d’excentricité mal venue (ben, oui, quoi, un haïku, si ce n’est pas rédigé par un bonze perdu dans son ermitage en pleine ère d’Edo, ce n’est pas un haïku).

Grossière erreur. Cette forme de poétique utilisée depuis longtemps s’accommode fort bien de la contemporanéité.

Et Madoka Mayuzumi est là pour nous le démontrer, avec le recueil haïku du temps présent, sorte d’anthologie de ses précédentes productions, édité par l’indispensable Philippe Picquier.

Par un savant parti pris, l’éditeur a choisi de présenter sur une page le haïku, brut de pomme, convenablement réparti selon la saison à laquelle il appartient. Tradition, tradition…

Sur la page en miroir, sa version originale en caractère japonais, sa transcription en caractère latin (pour la musicalité de la langue), et la mise en exergue du thème saisonnier. Si ceci peut paraître classique, Madoka Mayuzumi propose ensuite un petit commentaire contextuel du poème en question, et la traductrice, l’excellente Corinne Atlan, propose elle aussi une petite explication, plus générale.

Si l’on pourrait croire qu’à force de mettre les points sur les i, la brièveté pleine de sous-entendus du haïku ne perde sa magie, en réalité, les notes de Madoka Mayuzumi apportent une charge émotionnelle supplémentaire, qui ajoute à la beauté des 17 syllabes en regard. En explicitant ses joies, ses fragilités, ses rires, ses amis et ses maîtres, elle nous dévoile une personnalité attachante, juste et sensible, sans sensiblerie.

Sans jamais s’éloigner de la structure du haïku, en en respectant les canons, la beauté stylistique, elle lui confère pourtant une touche pimpante pleine d’actualité, proche des thématiques qui préoccupent la société japonaise d’aujourd’hui.

Une belle réussite.

Mademoiselle Potiron

Haïkus du temps présent, par Madoka MAYUZUMI, Picquier 184 pages, 17,50 euros

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