vendredi 6 avril 2012

Carlos Salem, Nager sans se mouiller


Chers Amis du Potager,

Arnaud, le gentil libraire spécialiste du polar allumé, est un récidiviste comme je les aime. A chaque fois, il a l’art et la manière de vous dénicher le roman au scénario complètement barré qui vous sortira de la douce torpeur du whodunit anglais. Non pas que je n’aime pas la douce torpeur du whodunit anglais. Mais disons que, parfois, ça fait du bien de décoller la pulpe du polar. On n’est pas obligé de rester confit dans la plus pure tradition du detective novel (vous ai-je dit que j’aimais beaucoup la nouvelle adaptation de ce chez Sherlock ? Non, je ne parle pas du bondissant Robert Downey Jr., que je préfère en Iron Man, ni du sexiest british goujat Jude Law, mais de l’imprononçable Benedict Cumberbatch).

Bref.

Arnaud, donc, m’a dégotté toute une pile de polars sympatoches qui sortent de l’ordinaire. Au titre desquels Nager sans se mouiller fait figure de modèle.

Juanito Pérez Pérez est cadre supérieur dans une multinationale qui vend des produits d’hygiène aux hôpitaux et institutions. Il a le charisme d’une moule et s’est fait larguer par Leticia qui trouve que, décidément, le PQ, les bandages et autres couches, ce n’est pas über sexy.

Seulement voilà, en fait, les fuites urinaires ne sont qu’une couverture et Juanito est le terrible Numéro Trois, un tueur à gages efficace et sans état d’âme. Un boulot comme un autre, quoi. Sauf que, là, c’est ses vacances, avec ses deux gamins, et qu’il compte bien en profiter. Las, Numéro Deux l’appelle sur le chemin de la mer, lui annonce qu’une mission l’attend dans un super camping, que tous les frais son payés, et que ce sera du gâteau (du genre on sait que vous êtes en vacances avec les mouflets, on va faire dans le délicat).

Seul indice ? Un numéro de plaque minéralogique : celui de son ex.

Seul pépin ? Le camping est naturiste. Ce qui n’est pas idéal quand vous envisager de vous trimbaler avec une arme ou qu’une sexualité longtemps en berne se réveille à la vue des beautés locales qui, du coup, n’ont aucun doute sur l’effet qu’elles produisent.

Ajoutez-y une ex, donc, accompagnée de son nouveau jules (un juge incorruptible), un ancien camarade de classe de Juanito (borgne et avec une jambe de bois), sa nouvelle conquête (une bimbo aussi aimable que le virus Ebola, qui se tape en douce le maître nageur suédois), un romancier à succès, une animatrice d’autant plus attirante qu’elle est habillée (elle) et le terrible Numéro Treize (rien à voir avec la Numéro Treize de Docteur House) véritable gorille (poils compris) engoncé dans un string léopard.

C’est la que la paranoïa va commencer à jouer avec les nerfs de notre Juanito, qui se demande, à force de pronostiquer sur l’identité de la cible, si ce ne serait pas lui, finalement, la cible.

Bon, vous me direz qu’un pitch pareil, on n’y croit pas une seconde, et c’est bien l’avis de plusieurs personnages. Seulement voilà, à part un léger coup de mou (à mon avis) entre les pages 100 et 120, on se laisse prendre par cette histoire moins légère qu’il n’y paraît, où tout n’est que faux semblants et où Juanito, finalement, se pose la question que tous les philosophes se posent depuis Platon et ses potes : qui suis-je ? Un tueur qui refuse de s’impliquer et de l’admettre (celui qui nage sans se mouiller) ? Un capitaine pirate ? Un tocard ?

Le style est bien servi par la narration d’un Juanito oscillant entre suspicion professionnelle, béatitude sexuelle et paternalisme compréhensif, dont l’humour masque tant bien que mal le malaise.

Une très bonne pioche, donc, et qui prouve que la crise espagnole n’a pas encore mis à terre sa littérature. Olé.

Mademoiselle Potiron

Nager sans se mouiller, par Carlos SALEM, Babel noir, 293 pages, 8,70 €

1 commentaire:

  1. Diantre, mon potiron, c'est quand même fortiche, avant de lire ce post je n'avais jamais entendu parler de cet auteur qui, si ça se trouve, a déjà dédicacé ses oeuvres à la FNAC en bas de chez moi.
    M'en vais donc traquer la bête à ma prochaine razzia littéraire. En VO, of course.
    Tu as attaqué Le Vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire? Dans le genre road movie déjanté, ça vaut son pesant de couronnes. Et ça méritera un petit post, moi je dis...
    Gratouilles et salutations littéraires,
    Ta nectarine en frangipane

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