vendredi 6 avril 2012

Herman Bang, Mikaël


Chers Amis du Potager,

Après avoir évoqué dans un post précédent Les Quatre Diables d’Herman Bang, voici l’une de ses œuvres maîtresses, récemment rééditée chez Phébus (en grand format cette fois).

Dans ce roman, Herman Bang nous conte l’histoire de Claude Zoret. Ce dernier, calqué pour son talent sur Claude Monet, est fils de paysan, devenu peintre reconnu, dont les œuvres ont fait la richesse et la gloire.

Déterminé pourtant, comme tout paysan, à ne pas mourir sans fils, sa femme étant décédée, Zoret se lit avec Mikaël, jeune Tchèque venu lui présenter ses dessins, qu’il finit par emmener avec lui à Paris, loger, et adopter.

Quasi inséparables, le jeune homme devient le modèle du maître, lui inspirant ses plus grandes œuvres, collectant dans des reliures rouges tous les articles consacrés à son pygmalion (qui, lui, s’en moque royalement).

Si Herman Bang avait fui son Danemark natal par crainte des persécutions dont les homosexuels étaient les victimes, la relation Zoret-Mikaël, pour empreinte d’une certaine sensualité artistique, n’est pas nécessairement homosexuelle. Zoret considère réellement Mikaël comme son fils adoptif, tolère facilement ses maîtresses et l’incite à prendre du plaisir.

Pourtant, le drame s’installe en la personne de la princesse Zamiakov, qui veut se faire tirer le portrait par le maître. Celui-ci rechigne, un peu, le portrait n’a jamais été son fort. Puis se laisse tenter. Et la blonde (assez insipide, à peine sait-on qu’elle a de gros seins appétissants) Lucia Zamiakov vient ensorceler Mikaël.

En réalité, si le déclencheur du chaos est la princesse Zamiakov, et Mikaël l’instrument de ce chaos, le véritable personnage central de l’œuvre est Claude Zoret, par sa présence physique d’abord (grand, massif, large barbe), par sa puissance créatrice, par l’ampleur des conséquences qu’auront sur lui le comportement de Mikaël.

Mikaël, justement, fabuleusement tête à claque, ne m’a absolument pas séduite. Trop bellâtre, trop immature, trop sanglotant, quand il ne fait pas une grosse colère, en serrant ses petits poings et tapant du pied. D’autant qu’il passe par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, pâlissant et rougissant à loisir. Pour moi, c’est plus le symptôme d’un problème vasculaire que l’expression d’une sentimentalité exacerbée. Vous ai-je déjà dit que j’avais un cœur de pierre ?

C’était peut-être l’image du jeune homme romantique, sorte de gendre idéal du début du XXe siècle, mais ce genre de personnage me donne plutôt envie de lui coller des baffes, plutôt que « laisser courir mes doigts dans son épaisse chevelure bouclée » et le serrer « sur mon sein palpitant ».

Et qu’on ne vienne pas me ressortir (une fois de plus) que c’est l’amoûûûûûr qui l’a rendu idiot, arrogant et capricieux. Le ver était déjà dans le fruit, et on peut être amoureux sans devenir un insupportable crétin, inconséquent et vil.

Que cela ne te décourage pas, lecteur. Si Mikaël est d’une mièvrerie grandiloquente, Claude Zoret ne se départit pas d’une certaine majesté (un peu grandiloquente peut-être aussi, par effet de miroir), jusque dans son désespoir. Les personnages secondaires sont très bien campés, comme à la comédie.

Et l’écriture de Herman Bang est merveilleuse, poétique, élégante, bien rythmée, douée d’une sens de l’ellipse qui fait son charme.

Mademoiselle Potiron

Mikaël, par Herman BANG, Phébus 256 pages, 19€

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