Chers Amis du Potager,
J’aime les vieilles Anglaises. Constat qui n’a rien de très surprenant, Gentil Libraire s’en étant rapidement rendu compte. Maintenant, dès qu’il m’aperçoit furetant dans les rayonnages, même s’occupant d’un autre client, il en profite toujours pour me désigner du doigt la dernière vieille British adoptée par la maison. Gentil Libraire est un chou.
Parmi les vieilles ladies qui occupent régulièrement mes lectures, j’aime bien PD James, pour l’élégance un peu empruntée d’Adam Dalgliesh, son enquêteur fétiche, ses intrigues bien construites et son charme parfois désuet (j’ai davantage lu les premières enquêtes de Dalgliesh que les plus récentes, d’où la désuétude). C’est comme Ruth Rendell, ça fait old school et j’aime bien.
Bref, dans cet épisode, la directrice administrative d’une clinique psychiatrique huppée (oui, je sais, après Villa des Hommes, je cumule les zinzins) est retrouvée assassinée aux archives, poignardée en plein cœur, le fétiche fabriqué lors des séances d’ergothérapie par un psychotique entre les mains. Solution facile ? Nenni. Le psychotique en question est hospitalisé pour une pneumonie et ne s’est pas rendu sur place ce fameux vendredi soir.
Le piège se referme sur le personnel de la clinique, personne n’étant ni sorti depuis la découverte du cadavre et les allées et venues étant scrupuleusement surveillées par les gardes.
Or, il ne faut que peu de temps à Dalgliesh, venu en voisin d’une réception donnée par ses éditeurs en l’honneur de son dernier recueil de poèmes, pour constater que la grassouillette directrice administrative, par son côté rigide et bien pensant, ne s’était pas fait que des amis parmi ses collègues, médecins comme personnel administratif et femmes de charge.
Du coup, les mobiles foisonnent, et dissipent les quelques certitudes que Dalgliesh pouvait avoir sur la situation. C’est d’ailleurs un Dalgliesh inquiet que nous retrouvons, doutant de ses capacités, et craignant que la solution ne lui échappe. Vous avouerez que ça change des enquêteurs imbus de leur personne et qui ne doutent de rien. Les fats.
Comme toujours avec les vieilles Anglaises, le style ne déborde peut-être pas d’une originalité dingue, mais il se révèle agréable et efficace. Les personnages ont tous leur individualité propre, on en devine la profondeur malgré la brièveté des rencontres (Dalgliesh les croisera au fil de l’enquête mais ne les reverra jamais).
L’intrigue, bien ficelée, a elle aussi un petit côté old school, où l’on se scandalise des relations extraconjugales, des relations sexuelles avant le mariage, et où le sort des vieilles filles n’est pas toujours enviable.
PD James et ses contemporaines sont le parfait lien entre les romancières de policiers classiques, comme Agatha Christie, Dorothy Sayers, Margery Allingham, et les nouvelles reines du crime, plus énergiques et plus sanglantes.
PD James ne révolutionne pas le roman policier, surtout tel qu’on le conçoit aujourd’hui, mais elle sait écrire des romans policiers de grande qualité, et, au final, c’est tout ce qu’on lui demande.
Mademoiselle Potiron
Une Folie meurtrière (A Mind to murder), par Phyllis Dorothy JAMES, Livre de Poche Policier 288 pages, 5,5 €