dimanche 29 janvier 2012

Kalpana Swaminathan, Saveurs assassines


Chers Amis du Potager,

Si j’aime beaucoup la littérature indienne moderne mais classique (Tagore et Narayan en tête), j’avoue que les polars indiens, pour sympathiques et divertissants qu’ils soient, n’ont pas été, jusqu’à présent, inoubliables.

Mêmes les Aventures d’un Indien malchanceux qui devient millionnaire (et qui donna Slumdog Millionnaire) m’ont paru d’une longueur sans fin (je lisais un chapitre par-ci, par-là, encore heureux qu’ils soient indépendants les uns des autres). Pas inintéressant, mais pas emballant non plus. Le ventre mou, quoi.

Peut-être aussi que je suis plus attiré par l’exotisme des Indes anglaises, qui transparait même chez les auteurs plus contemporains, mais nés avant l’indépendance (comme Narayan).

C’est sans doute le charme très « Agatha-Christien » des Saveurs Assassines qui fait que ce roman policier contemporain a retenu mon attention, à la différence de l’Homme qui exauce les vœux (de Tarquin Hall, pas mal, mais pas transcendant).

Comme dans la Mystérieuse affaire de Styles, on trouve le plan de la villa où va se dérouler le week-end fatidique.

Pour planter un peu le décor, disons que Hilla Driver a hérité de son oncle Fromroze une villa lugubre chèrement mise au goût du jour par une décoratrice hors de prix. Hilla y réunit des amis de feu son mari, des connaissances, pour tester son cuisiner Tarok (un nom digne des Zabars, non ?) et son logis en vue d’en faire un gîte de luxe pour personnalités « de la page 3 » (celle des people) : un critique littéraire, un romancier, sa compagne, un mannequin, un danseur, un homme d’affaires, un médecin, son épouse et leurs marmots.

Parce que ce serait sans doute trop lugubre sans soutien, Hilla peut compter sur sa nièce Ramona, et surtout sur Lalli, pimpante sexagénaire qui a longuement œuvré dans la police de Bombay où son intelligence supérieure permit de résoudre des crimes qui laissaient la police scientifique perplexe. La narratrice (sans nom) n’est autre que la nièce de Lalli, 33 ans, qui a perdu en une seule journée son boulot, son mec et sa bibliothèque. Un record.

Tout ce petit monde se retrouve donc dans la Villa Ardeshir, rénovée. Mais les tensions entre des personnalités aussi marquées et antagonistes ne vont pas tarder à se faire jour, cristallisées autour des talents culinaires de Tarok qui œuvre pour un retour à la cuisine traditionnelle, au grand dam de cette bande de branchés dégénérés.

Des conversations surprises sur la terrasse, des allusions, une danse envoûtante vont mener au crime, que Lalli devra résoudre seule, la villa étant rendue inaccessible par la mousson.

Sans être aussi arrogante qu’Hercule Poirot, Lalli ne dispose que de son exceptionnel entrain et de sa grande connaissance de l’âme humaine pour y parvenir, ce qui n’est pas sans rappeler le célèbre petit Belge.

L’ambiance est très réussie, les invités très tête-à-claque, les mets concoctés par Tarok mettent l’eau à la bouche. L’intrigue est assez prévisible (on s’étonne du manque de clairvoyance de la narratrice), mais le charme indéniable de ce roman fait oublier les ficelles un peu grosses.

Seul bémol : un style parfois elliptique qui oblige à relire certains passages.

Mademoiselle Potiron

Saveurs assassines (the Page 3 murders), par Kalpana SWAMINATHAN, Points Policier 357 pages, 7,5 €

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