dimanche 29 janvier 2012

Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien


Chers Amis du Potager,

Même si les aventures de Zénon dans l’œuvre au noir ne m’avaient pas emballée plus que cela, l’écriture musicale et poétique de Marguerite Yourcenar, découverte grâce à ses Nouvelles orientales, m’a toujours séduite. Sans doute une question de climat, Zénon perdu dans les brumes du nord manque de la clarté lumineuse du monde méditerranée qu’affectionnait particulièrement cette grande romancière.

Or, même si Hadrien, empereur romain, est surtout connu pour le mur qu’il fit édifier en Ecosse et qui porte son nom (séance de rattrapage pour les amateurs dans Kaamelott), son histoire personnelle, ses penchants artistiques, sa découverte d’Athènes, ses luttes à Jérusalem (déjà), Antinoüs le Bythinien, le Nil, même ses campagnes militaires en Pannonie, respirent l’air chaud et parfumé du sud et de l’orient.

Les Mémoires proprement dits sont en réalité une longue lettre, dans laquelle Hadrien se livre, de façon plutôt chronologique, détaille son enfance, son éducation, les échelons gravis pour arriver au pouvoir, sa conception de l’empire et du rôle de l’empereur, les obstacles dressés par ses ennemis politiques, l’appui efficace de l’impératrice douairière Plotine, l’influence perpétuelle de la philosophie, de la poésie et des arts, l’amour d’Antonoüs et la tragédie de son suicide, l’exercice du pouvoir, la solitude et les souffrances de la maladie.

Le destinataire de cette lettre, Marc Aurèle (si la vérité historique ne fait pas partie de vos exigences, Gladiator vous en dressera un rapide portrait et vous distraira pendant deux bonnes heures. Si vous préférez l’authenticité, je vous conseille ses Pensées pour moi-même, disponibles dans toute bonne librairie), adopté par Antonin, lui-même adopté par Hadrien, n’est donc que son successeur, ce qui donne à ce récit dense un caractère initiatique.

Le sujet du livre n’est donc pas mystérieux. Un rapide détour par n’importe quelle encyclopédie vous livrera les grands traits de la vie d’Hadrien, dont on sait déjà qu’il meurt à la fin (le 10 juillet 138 pour les curieux).

Le tour de force de Marguerite Yourcenar est d’être parvenue à se mettre dans la peau d’un homme mûr mort il y a vingt siècles, d’avoir fondu sa propre personnalité dans celle de l’empereur, au point que l’on oublie qu’il s’agit d’un roman contemporain, et qu’on se prend à croire lire un manuscrit exhumé des cendres pompéiennes.

L’autre grand talent de la romancière, déjà mentionné plus haut, est la très grande qualité de sa plume, poétique sans être ampoulée, délicate sans être molle, belle sans être superficielle. La musicalité de certains passages mériterait une lecture à voie haute.

C’est un avis très personnel, les résonnances d’un texte varient en fonction du lecteur, mais si l’envie vous prend de tenter l’expérience, vous ne devriez pas être déçus.

Mademoiselle Potiron

Mémoires d'Hadrien, par Marguerite YOURCENAR, Folio 364 pages, 7,5 €

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