samedi 3 novembre 2012

Dans la vie, il n'y a pas que les lapins crétins, il y a aussi les ours nains


Chers Amis du Potager,

Quand vous avez le moral dans les chaussettes, n’hésitez pas à demander de l’aide à Samuel, l’excellent libraire spécialiste de la bande dessinée et de la littérature jeunesse chez Quai des Brumes. Avec maestria, il vous dégotera de quoi aisément vous faire vous bidonner comme un bossu. Et il est probable que les témoins de ce spectacle vous subtilisent discrètement le bouquin responsable de votre hilarité (Monsieur Potiron, par exemple).

Attention, donc. Sélection digne des lapins crétins.

Commençons par le meilleur du blaireau, j’ai nommé Francis. Or, il se trouve que Francis veut mourir. En planches de 6 vignettes, dont la première représente systématiquement un Francis dépressif avec la mention « Francis a décidé de se suicider », cet album condense le meilleur de l’absurde et de l’humour noir à porter de main. Francis tente par tous les moyens d’en finir (suicide simple, ou énervement suffisant de ses voisins pour un lynchage), ces amis tentent (parfois) de l’en dissuader, sa femme désespérée lui rappelle la présence émouvante de ses enfants, ce à quoi Francis répond qu’il « ne peut décemment pas rester en vie pour lui faire plaisir. Surtout qu’il comptait tuer toute la famille avant de se donner la mort ». C’est bon comme du Desproges. Hilarant. Francis veut mourir, par Claire Bouilhac et Jake Raynal, éditions Cornélius, 8.50 euros.

Les Editions Cornélius ont également eu l’excellente idée de publier Faits divers. Anouk Ricard, dessinatrice spécialiste des personnages animaliers, a choisi d’illustrer ces événements improbables avec ses canards, chiens, chevaux et autres ours favoris. Non seulement les dessins sont tordants, mais on reste stupéfaits devant ces faits divers authentiques et complètement barrés, du genre « elle trouve une dent dans une saucisse » ou autre « il tente de changer ses excréments en or et met le feu à l’immeuble ». Pas toujours très raffiné, donc, mais à mourir de rire. Faits divers, par Anouk Ricard, éditions Cornélius, 11.50 euros.

Les personnages animaliers d’Anouk Ricard sont également les héros de Coucous Bouzon. La société Bouzon, qui fabrique des coucous, engage Richard, pour remplacer Guy, qui a démissionné du jour au lendemain. Après un entretien d’embauche mené par un patron au sens de l’absurde très développé, Richard ne tarde pas à se rendre compte que Guy a sans doute en réalité disparu. Perdu dans une entreprise de frappadingues, seule Sophie la jolie réceptionniste (si on aime les cockers) lui sera de quelque secours. Au-delà de l’enquête, la critique des méthodes de management est particulièrement bien trouvée (ah, le séminaire en forêt !...). Drôle et grinçant. Coucous Bouzon, par Anouk Ricard, Gallimard, collection Bayou, 92 pages, 16.25 euros.


Et parce que les contes de notre enfance méritent d’être sévèrement dynamités, la saga des ours nains est salvatrice. Les sept ours nains crient famine dans leur cabane au fond des bois, ne se nourrissant que du lait de leur vache. Sauf qu’ils en ont marre du lait, et qu’ils envoient un des leurs la vendre. Ça vous rappelle quelque chose ? L’ours va l’échanger contre un haricot, bien sûr. Un chat botté particulièrement matois va tenter une arnaque, un petit chaperon rouge va avoir pitié, Hansel et Gretel seront vu sous un jour nouveau (très national socialiste). Drôle, irrévérencieux, les petits y verront un joli conte, les grands une caricature subversive. Indispensable. La Faim des sept ours nains, par Emilie Bravo, Seuil jeunesse, 12.20 euros.

Pour finir, une bande dessinée dénichée par Sylvie, succession de vignettes sans paroles, sur la vie et l’œuvre d’un banc de parc public. Du clochard qui s’en fait régulièrement virer par le gardien, au couple de petits vieux qui y partagent une pâtisserie avec amour, c’est toute la vraie vie qui défile : les vieilles, les jeunes à skate, les jeunes à schnouf, les hommes d’affaires, les jeunes filles, les enfants, l’homme d’entretien. Jusqu’au chien qui pisse tous les matins sur son piétement droit. Au fil des saisons, les habitués évoluent, changent, vont jusqu’à disparaître. C’est drôle et émouvant à la fois, et le dessin est très éloquent. Un peu de bois et d’acier, par Chabouté, éditions vents d’ouest, 336 pages, 30 euros.

Mademoiselle Potiron

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