Pour changer du polar à képi, voici un polar à
cornette, chaudement recommandé un soir de pluie et de déprime par une
pétulante Sylvie (Quai des Brumes, of
course).
Cornette ? Voui, voui. Il s’agit d’un polar
ecclésiastique. Ceux qui me connaissent bien ne manqueront pas de lever un
sourcil intrigué, voire inquiet. Il faut dire que la chose religieuse me laisse
d’ordinaire mollement indifférente (que voulez-vous, je sers la science et c’est
ma joie).
Replaçons-nous donc dans le contexte. 1970. Vatican
II vient de bouleverser la messe dominicale, en passant du latin au français et
d’un curé tourné vers l’autel à un curé qui n’a plus l’air de faire la gueule aux fidèles. On découvre les joies
de l’œcuménisme. Les bonnes sœurs ne sont plus contraintes de se couvrir de
voiles immenses, tendance Sœur Marie Cruchotte pour ceux qui ont une culture
cinématographique (ahem). Libéralisation et modernité sont donc de mise à
l’église (avec retenue, hein, on est à l’église, pas à un concert de Lady Gaga).
C’est à cette époque qu’à un carrefour du bord de
Loire, en aval de Saumur (charmante région au demeurant, où goûter la douceur
angevine), la deux-chevaux de mère Adélaïde s’empale sur une borne Michelin.
Une blessée (Mère Adélaïde) et une décédée (sœur Marie-Claire). A priori, un
regrettable accident, même si les circonstances sont suffisamment troubles pour
titiller l’imagination de Stella, jeune fille de 13 ans, demi-pensionnaire au
collège privé tenu de main de maître par Mère Adélaïde et voisine du lieu du
drame.
Avec sa copine Hélène, la pimpante Stella va se
mettre en tête de démasquer l’assassin de sœur Marie-Claire. Parce qu’il s’agit
forcément d’un meurtre. Les suspects sont légion (communistes,
francs-maçons, et autres mécréants) et l’enquête n’est pas simple à mener,
lorsqu’il s’agit de jongler entre les impératifs scolaires et les impératifs
judiciaires.
C’est que les choses vont rapidement s’emballer au
pensionnat…
Alors, disons que ce roman cumulait les handicaps,
me concernant : polar français (argh…) d’un auteur français (re-argh…) pas
encore mort (re-re-argh…). Voici qui eût dû sceller le sort du roman d’Alix de
Saint-André.
Sauf que.
Sauf que c’est diablement drôle, très bien ficelé,
et que l’idée du complot crypto-ecclésiastique est une trouvaille exploitée
comme il faut. A mille lieues du ridicule Da Vinci Code, Stella et Hélène
mènent l’enquête comme seules les héroïnes des premiers romans d’Agatha
Christie savent la mener (avec énergie et débrouillardise), faisant fi des
heures de colles et des cours de gym.
Le tableau du petit monde du pensionnat, avec ses
sœurs branlantes de vieillesse, mais l’œil encore vif, ses ambitions, ses
querelles de clocher (pour le coup…), ses gueguerres intestines, ses règles
psychorigides et ses élèves authentiques, est parfait. Et je ne vous parle pas
de la description de la petite bourgeoisie de province (ah, le dîner de pâques
dans la famille du croquemort !). C’est sarcastique, caustique, tendre
parfois, et dominé par la figure autoritaire de Mère Adélaïde (surnommée
Belphégor, pour vous planter le décor).
On se laisse prendre, tant par l’intrigue (une fois
encore bien ficelée) que par la tendresse que l’on éprouve pour nos Sherlock en
socquettes, futées et roublardes.
Mademoiselle Potiron
L’Ange et le
réservoir de liquide à freins, par Alix de SAINT-ANDRE, Folio Policier, 342
pages, 7.50 euros.
Alors celui-ci, il va fissa intégrer ma valise à mon prochain voyage, tu me le prêtes, hein, dis, tu me le prêtes?
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