mardi 20 novembre 2012

Alix de Saint-André, L'ange et le réservoir de liquide à freins


Chers Amis du Potager,

Pour changer du polar à képi, voici un polar à cornette, chaudement recommandé un soir de pluie et de déprime par une pétulante Sylvie (Quai des Brumes, of course).

Cornette ? Voui, voui. Il s’agit d’un polar ecclésiastique. Ceux qui me connaissent bien ne manqueront pas de lever un sourcil intrigué, voire inquiet. Il faut dire que la chose religieuse me laisse d’ordinaire mollement indifférente (que voulez-vous, je sers la science et c’est ma joie).

Replaçons-nous donc dans le contexte. 1970. Vatican II vient de bouleverser la messe dominicale, en passant du latin au français et d’un curé tourné vers l’autel à un curé qui n’a plus l’air de faire  la gueule aux fidèles. On découvre les joies de l’œcuménisme. Les bonnes sœurs ne sont plus contraintes de se couvrir de voiles immenses, tendance Sœur Marie Cruchotte pour ceux qui ont une culture cinématographique (ahem). Libéralisation et modernité sont donc de mise à l’église (avec retenue, hein, on est à l’église, pas à un concert de Lady Gaga).

C’est à cette époque qu’à un carrefour du bord de Loire, en aval de Saumur (charmante région au demeurant, où goûter la douceur angevine), la deux-chevaux de mère Adélaïde s’empale sur une borne Michelin. Une blessée (Mère Adélaïde) et une décédée (sœur Marie-Claire). A priori, un regrettable accident, même si les circonstances sont suffisamment troubles pour titiller l’imagination de Stella, jeune fille de 13 ans, demi-pensionnaire au collège privé tenu de main de maître par Mère Adélaïde et voisine du lieu du drame.

Avec sa copine Hélène, la pimpante Stella va se mettre en tête de démasquer l’assassin de sœur Marie-Claire. Parce qu’il s’agit forcément d’un meurtre. Les suspects sont légion (communistes, francs-maçons, et autres mécréants) et l’enquête n’est pas simple à mener, lorsqu’il s’agit de jongler entre les impératifs scolaires et les impératifs judiciaires.

C’est que les choses vont rapidement s’emballer au pensionnat…

Alors, disons que ce roman cumulait les handicaps, me concernant : polar français (argh…) d’un auteur français (re-argh…) pas encore mort (re-re-argh…). Voici qui eût dû sceller le sort du roman d’Alix de Saint-André.

Sauf que.

Sauf que c’est diablement drôle, très bien ficelé, et que l’idée du complot crypto-ecclésiastique est une trouvaille exploitée comme il faut. A mille lieues du ridicule Da Vinci Code, Stella et Hélène mènent l’enquête comme seules les héroïnes des premiers romans d’Agatha Christie savent la mener (avec énergie et débrouillardise), faisant fi des heures de colles et des cours de gym.

Le tableau du petit monde du pensionnat, avec ses sœurs branlantes de vieillesse, mais l’œil encore vif, ses ambitions, ses querelles de clocher (pour le coup…), ses gueguerres intestines, ses règles psychorigides et ses élèves authentiques, est parfait. Et je ne vous parle pas de la description de la petite bourgeoisie de province (ah, le dîner de pâques dans la famille du croquemort !). C’est sarcastique, caustique, tendre parfois, et dominé par la figure autoritaire de Mère Adélaïde (surnommée Belphégor, pour vous planter le décor).

On se laisse prendre, tant par l’intrigue (une fois encore bien ficelée) que par la tendresse que l’on éprouve pour nos Sherlock en socquettes, futées et roublardes.

Mademoiselle Potiron

L’Ange et le réservoir de liquide à freins, par Alix de SAINT-ANDRE, Folio Policier, 342 pages, 7.50 euros.

1 commentaire:

  1. Alors celui-ci, il va fissa intégrer ma valise à mon prochain voyage, tu me le prêtes, hein, dis, tu me le prêtes?

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