samedi 18 février 2012

Jirô Taniguchi, Furari


Chers Amis du Potager,

Encore un peu de bande dessinée (promis, c’est bientôt fini) avec un manga de très grande qualité, réalisé par un maître en la matière.

Le héros, dont le nom nous est tu, vit à Edo (le Tōkyō d’avant l’ère Meiji) avec sa jeune femme Eï et leur chat. Scientifique retraité, il consacre ses loisirs à la géographie et à l’astronomie. Plus particulièrement, il aimerait pouvoir calculer précisément la longueur d’un méridien.

Pour cela, il a réglé la longueur son pas de façon à ce qu’il fasse exactement 70 centimètres et, comptant ses pas d’un endroit à l’autre de la ville, il en mesure les distances.

Chacune de ces promenades est l’occasion pour lui de s’ouvrir à ses contemporains, à l’éphémère beauté de la nature ou à l’immuable contemplation du Fujisan. Chaque rêverie l’emporte dans son quartier, jusqu’à le survoler sur le dos d’un faucon.

On suit également certaines de ses activités plus ludiques, comme un pique-nique sous les cerisiers, une pêche aux crustacés à marée basse, le rapetassage de ses sandales. Ces promenades sont également l’occasion de belles rencontres, comme celle d’Issa, le fameux poète, qui échangera quelques vers avec notre héros.

La belle Eï, compagne du promeneur géographe, éclaire régulièrement les planches de sa personnalité solaire. Si elle a eu à souffrir des absences professionnelles de son mari, il n’y a aucune aigreur chez cette femme instruite, intelligente et drôle. Eï sait prendre ses propres décisions, et l’harmonie enjouée qui règne au sein de son couple fait de Furari une très belle histoire d’amour où chacun a su trouver sa place pour s’épanouir. On est loin de l’image de fragile poupée véhiculée par les premiers occidentaux à avoir fouler le sol japonais hors du comptoir de Yokohama.

Outre son thème, poétique et paisible, Furari est également un ouvrage à part dans l’imagerie collective du manga, par l’extrême beauté de ses dessins, dans lesquels on retrouve l’inspiration bienvenue du maître de l’estampe Hiroshige.

Chaque vignette, richement illustrée, fourmille d’éléments de la vie quotidienne d’Edo, des jeux des enfants aux marchants ambulants, des délicates geishas aux matous errant sur les toits. Les vues panoramiques sont particulièrement soignées, et rappellent sans peine les Cent Vues d’Edo d’Hiroshige (notamment la vue du ciel avec le faucon et les renards « flamme » d’Inari). Le chatoiement des couleurs se devine aisément, malgré le seul noir et blanc du crayon.

Si vous aimez la culture japonaise et les dessins d’artiste, je ne peux que vous recommander de vous perdre dans la contemplation des planches réalisées par Taniguchi. Vous passerez un excellent moment, qui vous laissera apaisé et ému. Et par les temps qui courent, cela n’a pas de prix. 

Mademoiselle Potiron

Furari, par Jirô TANIGUCHI, Casterman écritures, 211 pages, 16 euros

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