vendredi 25 février 2011

Art Spiegelman, The Complete Maus

Chers Amis du Potager,

Récemment honoré au très prestigieux festival d'Angoulême, qui lui a décerné le Grand Prix de la Ville... d'Angoulême (bravo à ceux qui suivent), Art Spiegelman avait déjà été récompensé d'un Pulitzer spécial en 1992. Pour Maus, précisément. C'est dire s'il s'agit d'un monument. 

Plus qu'une simple BD, Maus est un roman graphique, qui raconte l'histoire de Vladek, père du narrateur (transparent, c'est Spiegelman lui-même), à visage de souris, de sa rencontre avec Anja, sa future femme, dans la Pologne des années 30, jusqu'à la fin de la seconde guerre mondiale.  Le tout est émaillé d'incursion contemporaines, le vieux Vladek racontant à son fils ses souvenirs.

S'il s'agit d'un portrait du paternel (avec ses qualités et surtout ses travers, dont une avarice crasse), Maus est surtout l'évocation de l'antisémitisme nazi et de ses conséquences sur la vie des petites souris juives. Parce que les personnages sont figurés sous la forme d'animaux (cochons polonais, chats allemands, chiens américains) qui ne sont finalement que des masques, ainsi qu'il apparaît clairement au début du tome 2, où Art-narrateur-auteur s'interroge sur la finalité de son oeuvre, sa culpabilité et ses doutes.

Et il y a la shoah, traitée malgré tout avec délicatesse.

Parce que c'est cela, le thème principal : les camps de concentration, leur quotidien, les persécutions, et comment Vladek, obstiné et débrouillard, parviendra à y survivre (de là sans doute sa radinerie légendaire).

Si le sujet n'a rien de spécialement réjouissant a priori (pas de pantalonnade à la Roberto Benigni dans l'Auschwitz de Spiegelman), l'intermédiaire des animaux apporte une distanciation qui dénonce, bien entendu, témoigne, mais rend tolérable l'insupportable. Non dans son essence, mais dans sa représentation. On ne ferme pas les yeux devant les corps de petites souris entassés dans les fosses comme on aurait pu le faire avec de "vrais" corps, par dégoût ou désespoir.

Et c'est sans doute la grande force de Maus, qui sous ses airs d'arche de Noé infernale, décrit l'indescriptible et le rend visible.

Un récit poignant, donc, humain (terriblement humain, devrais-je dire) de petites souris prises au piège d'un monstrueux matou.

Art Spiegelman a bien mérité ses prix.

Lisez-le. 

Please.

Miss Pumpkin

PS : A l'ombre des tours mortes est dans ma LAL, bientôt dans ma PAL

The Complete Maus, par Art Spiegelman, Penguin Books 296 pages, 23,90 euros

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