lundi 28 mars 2011

La revanche d'une nectarine

Chers Amis du Potager,

La nectarine récidive. Après m'avoir asticotée pour savoir quels seraient les 5 livres que je sauverais pour l'avenir de l'humanité (seulement 5, un drame), la voilà qui me demande en substance quels sont les 5 livres que j'abandonnerais à la vindicte publique. Ou pour être plus précise dans l'intitulé : les 5 livres dont je suis venues à bout, en me répétant tel un mantra "vivement la fin, pitié, vivement la fin".

Ah, la lecture pénible! Le pensum! L'indigeste pavé!

Tout d'abord, éliminer les faux bouquins lourdingues, dont le seul avenir est de caler les pieds d'une armoire :

- Les livres dont les débuts sont difficiles : dans cette catégorie peuvent être classés de petites merveilles, mais dont les premières pages sont un peu lentes, où on se demande encore si oui ou non l'impétrant a été tiré du néant de la PAL à juste titre. Et dont la suite la lecture prouve que l'on a bien fait de persévérer car, my god, ç'eût été péché de s'arrêter si tôt. Par exemple, The Curse of the Pharaohs (dont le post est à venir), ou l'Heure Blafarde, de William Irish, dont les 17 premières pages m'ont parues un peu bof, mais dont la suite m'a emballée à un point! Ce roman est une petite merveille, qui aurait mérité de figurer dans mon top five, pour l'histoire, pour le couple de personnages, pour le compte à rebours, pour le talent d'Irish. Bref, un bijou vivement conseillé.

- Les livres qui sont à commencer au bon moment : un livre n'est pas qu'une histoire d'écriture, mais aussi d'état d'esprit. Par trois fois, j'ai commencé les Diaboliques de Barbey d'Aurevilly. Trois échecs cuisants (abandon après 2 pages). Une relégation dans la PAL pour 10 ans environ. La reprise fut un succès, j'ai adoré, j'ai enchaîné avec l'Ensorcelée et le Chevalier des Touches. Autre exemple : le Silmarillon (malgré mon amour vrai pour Tolkien, il requiert une attention de tous les instants que les intercours de la fac n'offrent malheureusement pas. A réserver aux vacances).

- Les livres lents, mais bon : Soseki et Théophile Gauthier sont des spécialistes du genre. Il ne se passe pas grand chose, c'est à la limite de l'ennui, mais c'est cette lenteur même qui fait tout le charme de ces ouvrages. 

- Les "même pas eu le courage d'aller au bout" : je ne suis pas coutumière de l'abandon en cours de route. J'ai longtemps été fort courageuse, à la limite de l'obstination. La maturité aidant (et la lecture des droits du lecteur tels qu'énoncés par Daniel Pennac), j'ai l'abandon déculpabilisé. Le mètre-étalon du genre? le Da Vinci code. Deux essais. Abandon page 121. Pas pu aller plus loin. Désespoir profond face au vide du pitch et envies de meurtre (Dan Brown l'a échappée belle) face au style... comment dire?... exaspérant.

And now, ladies and gentlemen, le top five du pensum :
- Les Chroniques italiennes, de Stendhal. Je sais, c'est mal. Je mérite le supplice du pal. Mais honnêtement, le supplice, ça a été d'en venir à bout. Pourtant, il s'agit d'un chef d'oeuvre officiel, qui avait tout pour me plaire, moi qui aime les auteurs français morts et l'Italie. C'est ma misérable personne qui doit être en cause. Ou pas.

- Passager pour Francfort, d'Agatha Christie. Et là, c'est le drame. Agatha qui m'a déçu. Le post consacré à ce monument érigé à la gloire de l'ennui vous éclairera sur mes motivations. Seule consolation : Agatha échappe finalement à la perfection, c'est rassurant. La perfection, c'est gonflant.

- La Condition humaine. Chez Malraux, j'aime bien les discours aux trémolos émouvants ("eeeennnntre iciiiii, Jeaaaaaannnn Mouliiiiiiinnnnn"). Mais dès que cela dépasse les dix pages... My bad... Le bac de français m'avait obligée à me farcir la voie royale (Dieu bénisse mon prof de français de l'époque, que Malraux rasait autant que moi, et qui avait choisi le roman le plus court, pour abréger nos souffrances). Je me suis infligé volontairement la Condition humaine, me disant qu'un prix Goncourt, ça doit être bien (j'en suis revenue, hein). Le masochisme m'a poussée à le lire jusqu'au bout. Aucun souvenir, à part un ennui profond.

- Tout est sous contrôle. La déception du siècle, moi qui voue un culte sans borne à Hugh Laurie (en Bertie Wooster ou en House, c'est tout pareil, je l'aime). En fait, un livre pas mauvais, mais dans un style un peu trop roman d'espionnage, dont je ne suis pas friande. Un rendez-vous manqué, quoi (mon pôpa, à qui je l'ai prêté, devrait apprécier davantage).

- Gide et Claudel. Sans distinction. Pourtant, j'ai insisté, persévéré, poussé jusqu'au bout. Rien. Sans commentaire, donc.

Voilà, chers amis du potager! Ma réputation de fille de goût est définitivement ruinée. Tant pis. Pour toute réclamation, s'adresser à la Nectarine.

Mademoiselle Potiron

1 commentaire:

  1. Cher potiron,

    Gnarf gnarf, ce fut bien plaisant de découvrir ton autodafé personnel...
    La condition humaine, j'approuve, j'adhère, je me solidarise. Un titre puissant, qui donne envie. Et la réputation du bonhomme qui précède l'oeuvre. Bouah. Un pensum de le finir. Me rappelle vaguement un chinois derrière un rideau. C'est court, pour quelque 200 pages...Modeste, donc, l'impression que m'a laissé ce livre. En règle générale, si j'oublie comment se termine l'ouvrage, c'est que celui-ci ne restera pas gravé dans mon marbre à moi. Mais à mon tour de te contocter une liste de 5 don'ts...

    Le Horla de Maupassant. Le fantastique, je n'aime pas. Le style de Maupassant non plus. Alors les deux combinés... Cela étant, cela fait un paquet d'années que j'ai lu cette nouvelle. Aucun souvenir, sauf que j'ai détesté, et que c'était confus, pénible. Devrais-je donner une deuxième chance à ce texte? Je me tâte.

    Le Grand Meaulnes. Alors là par contre je ne me tâte pas. Merci bien, on a déjà donné. Du Gide en plus mou. Du Mauriac en aussi gonflant et en (encore) moins palpitant. Du Proust en moins bien écrit. Rien que d'y repenser, j'en baille.

    Voyage au bout de la nuit. Oh je sais, c'est un chef-d'oeuvre, il faut l'avoir lu, blablabla. Moi je n'ai retenu que ce style presque agressif et ce côté Tintin au Congo (en largement pire)... On crie au génie de Céline. N'empêche que si je l'avais croisé (genre au Crillon, en 42, même si je me demande bien ce que j'aurais été y faire, moi!), je lui aurais dit ma façon de penser sur sa ponctuation, son style et certaines (beaucoup) de ses idées...

    Le désert des Tartares. Parce que nous infliger un livre où il ne se passe rien, où l'on attend une attaque d'un ennemi qui n'arrive pas, tout ça pour mitonner une métaphore filée sur la mort qui, elle, arrive toujours quoi que nous fassions, mouais bof. J'ai connu des lectures plus réjouissantes. Et bien des poètes, soit dit en passant, ont évoqué le caractère inéluctable de la mort dans un sonnet. 14 vers et c'était plié, pas la peine de tartiner tous ces chapitres. Non mais.

    Les Bienveillantes de Jonathan Littell. Ou l'honneur douteux d'intégrer cette liste alors que j'ai lu la dernière ligne de ce pavé (1583 pages quand même, dans mon souvenir!) voici quelques semaines seulement. Au début, très envie de découvrir ce roman, dont le postulat de départ me tente bien. Faut dire, globalement, tout ce qui touche la 2GM, si l'auteur n'a pas écrit tel le gnou, je me laisse séduire. Or, c'est là qu'est l'os: quel boulet, cet auteur! Intriguée par le titre, je découvre que c'est une référence à Eschyle. Littell aurait dû s'en tenir à son idée de raconter l'expérience d'un SS de 41 à la chute de Berlin. Pourquoi, ô pourquoi nous rajouter, à la grecque, une soeur incestueuse, la vengeance d'un père, une mère bafouée...? Que de fioritures! Et que dire de l'insistance de l'auteur à aborder avec mille détails l'homosexualité taboue (car 3e-Reichée) du SS? Des 1583 pages, on serait passé à 500, et ça aurait suffi. Largement.

    Voilà cher potiron. A nous deux, on a réduit en bouillie des grands titres de la littérature. Potiron et nectarine, les compoteuses folles!

    Au plaisir de lire de nouveaux billets!

    Ta nectarine

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