Que ce fut difficile de venir à bout de cette biographie, pourtant
réputée, d’un auteur pour qui j’ai beaucoup d’affection, sur une personne qui
ne m’inspire pas, de prime abord, de révulsion particulière.
Je pense sincèrement (j’espère) que la traduction a joué (même si la
collection des Cahiers Rouges, de Grasset, nous a habitués à des traductions de
qualité), mais le style ampoulé au possible, surtout en milieu d’ouvrage, d’une
niaiserie grandiloquente rarement égalée, m’a ennuyée au plus haut point.
Je ne reviendrai pas sur l’histoire, s’agissant d’une biographie
historique, n’importe quel dictionnaire saura vous renseigner. Sur ce point,
l’ouvrage est complet, documenté jusqu’à la moindre anecdote (notamment la
touchante fidélité du petit terrier de Marie Stuart réfugié sous ses jupes lors
de son exécution, recouvert de son sang et qui défend le cadavre de sa
maîtresse).
Cependant, le retour de Marie Stuart en Ecosse après son premier
veuvage s’accompagne chez Stefan Zweig d’une envolée romanesque des plus pénibles, à mon sens. Voilà Marie Stuart, pourtant femme
intelligente et intrépide, esclave soumise à ses ovaires. L’amour a
frappé ! Et il la rend idiote. Ce qui, convenons-en, arrive à tout le
monde, même aux meilleurs d’entre nous. Et on peut bien admettre que cette
stupidité passagère puisse avoir davantage de conséquences en matière de
géopolitique lorsque l’on est reine que lorsque l’on est ravaudeuse de
chaussettes.
Pourquoi alors en faire des tartines sur la pââââssion, la révélation
à la féminité (une femme n’est pas femme si elle n’est pas amoureuse et prête à
tous les sacrifices pour son amoureux) ? Sans compter les commentaires
charmants du genre « bon, d’après les portraits, elle avait l’air gentille,
mais ce n’était pas un canon, pourquoi tant de soupirants transis ? »
(le fait qu’elle ait pu être futée, cultivée, ouverte d’esprit, aimable,
généreuse n’a tout à coup plus d’intérêt).
Le fait que l’objet de sa pâââssion soit en outre un coureur au
physique ingrat, la terreur de ces dames, cruel et ambitieux, fait gloser.
Alors pourtant que c’est parfaitement logique. La plus grande qualité de Marie
Stuart, surtout aux yeux des hommes de l’époque, ce n’est pas de réussir le haggis
comme personne. C’est d’être reine, de faire de son mec le king of Scotland et
de lui rapporter plein de pognon, titres, terres, châteaux, larbins. Sort
commun à toute femelle un peu pourvue depuis la nuit des temps.
Bref, pas de quoi épiloguer.
Dans le camp d’en face (les Anglais, of course), Elizabeth en prend
aussi pour son grade, avec sa coquetterie et ses éternels atermoiements. Et
d’expliquer l’intégralité de sa conduite par le fait qu’elle souffrît d’une
malformation la rendant impropre à la procréation. Mouais. Je ne sais pas mais,
même si elle avait été enceinte jusqu’aux yeux, j’imagine mal Elizabeth
renoncer au pouvoir pour un mioche ou un galant. La maternité ne l’emporte par
toujours sur l’ambition. Ou alors c’est moi qui vois le mal partout. Et c’est
pour cela que la figure d’Elizabeth, moins romantique peut-être, est bien plus
intéressante. Sans doute d’ailleurs que ladite malformation lui aura évité de
finir potiche auprès d’un consort fat et tout-puissant.
Fort heureusement pour nous, l’épisode « Barbara Cartland » prend
vite fin dans le meurtre, la prison, les batailles, les trahisons, les
exécutions, toussa, toussa. De quoi ragaillardir un Potiron, n’est-il
pas ? D’autant que cela ouvre des perspectives historiques
intéressantes : Marie Stuart a ouvert la voie à la décapitation d’un
souverain régnant. Son petit-fils Charles Ier peut d’ailleurs la remercier pour
cela. Ou pas.
Mademoiselle Potiron
Marie Stuart (traduction Alzir
Hella), par Stefan ZWEIG, Grasset collection les Cahiers Rouges, 413 pages,
11,20 euros
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