Chers Amis du Potager,
Comme promis, voici la suite des Penguin's Modern Classics. Toujours en mini format, toujours pratique à glisser dans un sac ou une poche, toujours à 3,90 € pièce. Cette fois-ci, nous changeons de continent pour aborder l'Inde et les Etats-Unis.
A Breath of Lucifer, par R.K. Narayan. Rasipuram Krishnaswami Iyer Narayanswami on comprend pourquoi RK Narayan est plus couramment utilisé, n'est-ce pas?) est né en 1906 à Madras, qui deviendra Chennai, où il est également mort, en 2001. Au cours de ces presque 100 années, il a connu à la fois les Indes anglaises, l'indépendance, le développement économique.
Dans un style délicieux, sobre et poétique à la fois, qui n'est pas sans rappeler l'autre grand auteur indien qu'est Rabindranath Tagore, il nous conte la vie des petites gens, courtes anecdotes où le destin intervient avec malice. Il y a ce vénérable ascète, perturbé par la présente d'une femme de petite vertu qui loge de l'autre côté de la rue ("House Opposite"), le gardien d'un réservoir qui surprend une jeune fille prête au suicide ("The Watchman"), le marchand de riz, véritable accapareur, qu'un pauvre vient trouver en quête d'une maigre portion qui nourrirait sa famille ("Half a rupee worth"). Et puis la nouvelle, sans doute autobiographique, où Narayan, opéré de la vue, se laisse conduire et guider par un infirmier, Sam, dont il ne verra jamais le visage mais avec qui il vivra une étrange aventure ("A Breath of Lucifer").
Les thèmes, parfois graves, sont abordés avec une écriture élégante et fluide, captivante, mais avec une certaine ironie du sort qui rappelle que nul n'échappe à son karma. En quelques lignes, l'ambiance indienne est parfaitement rendue, avec ses parfums, ses bruits nocturnes, ses coutumes, ses marchés, ses saveurs. Un délice.
The Sexes, par Dorothy Parker. 5 courtes nouvelles dans ce recueil d'une grande dame de la littérature américaine. Là encore, quoique dans un style tout à fait différent, un très bon moment de littérature. Dorothy Parker excelle dans la retranscription des relations hommes-femmes, au travers de dialogue très enlevés, mais où l'incompréhension mutuelle apparaît comme une évidence. Ce sont des contes parfois cruels, sur la désillusion, la jalousie, la difficulté à trouver sa place dans un couple, qu'il s'agisse du couple mari-femme ou du couple mère-fille. Les rencontres ne se déroulent jamais comme on les avait prévues, les portes claquent, l'oscillation permanente entre espoir et désespoir atteint une sorte de point d'équilibre parfait.
Et il y a cette étrange petite pépite ("the Little Hours"), où la narratrice, réveillée à 4h20, laisse ses pensées vagabonder, s'en prend à La Rochefoucauld, s'agace de cet éveil inopiné, mais avec un humour qui m'a profondément séduite.
Voilà pourquoi cette minuscule édition du Pingouin est une merveille : pour une somme modique, on part à la découverte d'auteurs nouveaux, qu'on n'aurait pas forcément osé aborder "en vrai", mais dont l'oeuvre toute entière se révèle bientôt indispensable. Ce qui ne va pas arranger le situation de ma PAL...
Miss Pumpkin