Chers Amis du Potager,
Après des vacances (largement méritées) et un an (déjà) de blog, nous voici de retour! Avec du lourd.
On pense généralement que l’histoire des vampires dans la littérature commence avec le Dracula de Bram Stocker pour s’achever avec les vampires luisants de Twilight.
En réalité, Bram Stocker est l’héritier d’une longue tradition de récits vampiriques qui remonte à la fin du XVIIIe siècle. C’est ce que démontre parfaitement cette anthologie, élaborée par Michael Sims pour les éditions Bloomsbury (qui prouvent par là que leur catalogue ne se résume pas à Harry Potter, ce qui est fort heureux), consacrée aux histoires de vampires victoriennes. Victorien est ici à prendre au sens (très) large, puisque l’anthologie aborde aussi bien les œuvres de Lord Byron, que de Théophile Gautier ou Aleksey Tolstoï, le cousin de Léon.
Dès les premières œuvres, les éléments qui vont fonder la mythologie du vampire sont d’ores et déjà présents : pieux dans le cœur, cercueil ouvert au clair de lune, chiens hurlant à la mort et chevaux renâclant (sont moins bêtes que les hommes, tiens), loups-garous, mausolées humides, ossuaires où il fait bon frissonner de froid et de peur, chapelles perdues dans la campagne, majestueuses ruines, prêtres détenteurs du secret de la malédiction, éléments (climatiques) déchaînés, blondes beautés terrorisées (voire évanouies), héros bravant les malédictions agitées par les gens du cru (et devenus niaiseux face à la beauté blonde transformée en vampire, bêlant « je sais bien qu’elle est un vampire mais elle est si bêêêêêlle ». Du neuneu de première catégorie, donc).
Comme quoi, Stephanie Meyer, avec ses vampires lampyres, n’a rien inventé.
Pour ma part, j’ai trouvé la plupart des blondes beautés assez « têtes à claque », et les héros bondissants plutôt crétins. Un rien effraie ces pauvres gentilshommes. Des hypersensibles mous de la chique, quoi. A part le guerrier balafré de la nouvelle « a mysterious stranger », qui fait preuve d’un peu de sang froid et de jugeote, prenant les choses en mains (surtout qu’à la suite d’un coup de sabre d’un janissaire, il est doté d’une charmante main artificielle) lorsque la stupide héroïne romanesque, par sa bêtise, s’est mise dans un guêpier sans nom. Alliant force, fort caractère (le sentimentalisme lui est étranger) et physique ravagé, il aurait sa place au rang des sexy-men.
Ceci dit, si les schémas sont classiques et les personnages conformes aux canons romantiques du XIXe siècle (parce que, bon, je critique la mollesse des mâles, mais les neuneus en question sont raccord avec le paysage littéraire de l'époque), la langue est envoûtante, avec ce style élégant, propre à la littérature victorienne de qualité.
Il faut dire que le casting opéré par Michael Sims est particulièrement brillant, d’autant qu’on y retrouve des auteurs pour lesquels j’ai beaucoup d’affection : M.R. James (M.R., c’est pour Montague Rhodes. Des prénoms pareils, ça vous pose un homme), Mary E. Wilkins Freeman (pour les curieux, le E., c’est pour Eleanor), Mary Elizabeth Braddon,… et Bram Stocker, bien entendu.
Et certaines histoires sortent de l’ordinaire, comme celle de Fitz-James O’Brien, qui nous régale d’une maison hantée par une créature invisible, anticipant H.G. Wells (1859 contre 1897) et signant ainsi l’un des premiers exemples de l’invisibilité humaine en littérature.
Ou encore les aventures Aylmer Vance, Sherlock Holmes du paranormal assisté de son fidèle Dexter, narrateur bâti sur le modèle du docteur Watson. C’est quand même un chouia plus classe que Martin Mystère. Sans rire.
Du classique, donc, mais du bon, du savoureux, de l’exhaustif, à déguster le soir sous la couette avant d’éteindre la lumière.
Faites de beaux rêves.
Miss Pumpkin
PS : Michael Sims publiera, en novembre 2011, toujours chez Bloomsbury, the Dead Witness, a connoisseur's collection of victorian detective stories (d'ores et déjà commandé chez Gentille Libraire)
Dracula's Guest : a connoisseur's collection of victorian vampire stories, par Michael Sims, Bloomsbury 2010, 462 pages